Vendredi 22 février, au terme d'une matinée supplémentaire de débat, le tribunal d'instance de Pretoria s'est prononcé en faveur de la libération d'Oscar Pistorius. En début d'après-midi, le juge Desmond Nair a passé en revue le témoignage de l'accusé et le rapport d'enquête, puis il a offert un cours d'histoire sur la libération sous caution. Oscar Pistorius était très tendu durant cette audience, il tremblait et pleurait même, mais c'est en homme libre qu'il attendra son procès pour meurtre. "Je suis arrivé à la conclusion que l'accusé a présenté un dossier qui permet sa libération sous caution", a déclaré le juge.
Le montant de la caution est fixé à 1 million de rands (environ 86 000 euros). Oscar Pistorius est placé sous contrôle judiciaire évidemment. Il doit rendre son passeport et toutes les armes qu'il possède. Il n'a pas le droit de boire la moindre goutte d'alcool jusqu'à ce que la justice rende son jugement et peut subir des tests antidrogue et d'alcoolémie à tout moment. La prochaine audience aura lieu le 4 juin.
Depuis quatre jours, sa demande de libération sous caution était étudiée. Un débat houleux, dans lequel s'affrontaient un procureur redouté, Gerrie Nel, et les avocats de Pistorius, Kenny Odlwage et Barry Roux, véritables ténors du barreau. Un débat marqué par l'amateurisme de la police sud-africaine et de l'enquêteur en chef Hilton Botha, parfaitement ridiculisé par la défense et dessaisi de l'enquête puisque lui-même poursuivi pour tentatives de meurtre.
Une longue peine "presque garantie"
Ce matin, le procureur Gerrie Nel a poursuivi sa plaidoirie contre l'athlète handisport et n'a pas mâché ses mots. Il lui reproche de n'avoir fait qu'une déclaration sous serment lue par son avocat, de ne pas s'être réellement confronté à cour. Selon lui, Pistorius ne se rend pas compte de la gravité de son geste. Gerrie Nel remarque qu'à aucun instant, dans sa version des faits, Pistorius ne dit avoir tué Reeva Steenkamp. "Ce que je lis, dans cette déclaration, c'est : 'Je n'ai rien fait de mal'." Poursuivi pour meurtre, l'athlète risque pourtant gros et Gerrie Nel le lui rappelle : "Il doit savoir qu'il devrait être condamné. Il doit réaliser qu'une longue peine de prison est presque garantie", assène le procureur pour qui les larmes de l'accusé ne sont pas destinées à Reeva. "Des pleurs, des remords, c'est ce que l'on attend. Mais les gens se sentent désolés pour eux-mêmes. Désolés quand ils réalisent que leur carrière est perdue."
"Pistorius nous a donné une version des faits improbable. Nous en proposons une autre basée sur des faits. [...] Je ne suis pas en train de dire que le meurtre de Reeva Steenkamp était préparé depuis des jours. Il a été prémédité cette nuit-là. Notre thèse, c'est qu'elle s'est enfermée dans les toilettes pour échapper, soit à une dispute, soit à l'arme que l'on pointait sur elle."
Risque de fuite
Concernant la remise en liberté de l'accusé, le procureur estime qu'il y avait un gros risque pour qu'Oscar Pistorius prenne la fuite à l'étranger, et notamment en Italie où il pourrait posséder une maison. "Quel genre de vie mènerait une personne qui porte des prothèses si elle doit fuir ?", lui demande alors le juge. Le procureur lui répond "une vie de liberté" et estime que Pistorius ne devrait pas être traité différemment sous prétexte qu'il est handicapé.
Après la plaidoirie de Gerrie Nel, l'avocat de Pistorius, le redoutable Barry Roux, répond. Il reconnaît que son client voulait tuer mais pas Reeva Steenkamp. "Il n'avait aucune intention de tuer Reeva, mais un intrus. C'est pourtant ce qu'on lui reproche." À ce stade du débat, Oscar Pistorius inspire profondément et expire lentement, il tâche de toute évidence de contrôler ses émotions. Il sait que sa liberté se joue dans ces dernières minutes du débat. "Il est impossible pour Oscar Pistorius de disparaître. Ses jambes ont besoin de maintenance et son estomac a besoin de soins médicaux. Il ne risque pas non plus de s'enfuir par avion. À chaque fois qu'il passe sous les portiques des contrôles de sécurité, c'est un vrai vacarme."
C'est libre qu'Oscar Pistorius attendra désormais son procès.