A 59 ans, deux choses semblent compter plus que tout pour Phil Collins : ses enfants (et petits-enfants, puisqu'il est devenu grand-père il y a quelques mois), et... sa nostalgie.
Une nostalgie sans amertume, sauf peut-être à l'égard de la musique contemporaine, lui qui n'écoute pas de musique excepté la sienne "et quelques vieux trucs comme Joe Zawinul ou Bruce Hornsby" : "Il n'y a pas longtemps, je recevais un prix aux Brit Awards, raconte-t-il au Parisien. Donc j'y suis allé. Au bout d'une heure dans la salle, j'ai réalisé que j'entendais de la musique, mais pas de chansons. Il y avait Kasabian, Lady Gaga, j'écoutais et je me disais : "C'est cela son refrain ? Ah bon ?"."
Lui n'a pas la prétention ni l'envie de faire du neuf. Avec Going back, un album (sortie le 13 septembre 2010) dont le titre et la pochette flèchent la direction, l'ex-star de Genesis effectue un retour aux sources en revisitant la soul griffée Motown qui l'a inspiré avec une fidélité à toute épreuve. A l'heure où la reprise est quasiment devenue un genre musical à part entière, Phil Collins entend quant à lui proposer ces tubes dans leur configuration et ambiance originelles. La preuve avec Heatwave, un premier single culte (en écoute ci-dessus) emprunté à Martha and the Vandellas (qui l'interprétèrent en 1963)...
"Ce n'est en réalité guère surprenant que j'aie réalisé un album de mes chansons préférées, explique Phil Collins. Ces chansons – ainsi que quelques titres de Dusty Springfield, un autre de Phil Spector et des Ronettes, et un de the Impressions – constituent la toile de fond de mon adolescence. Je m'en souviens comme si c'était hier, lorsque j'allais au Marquee à Soho pour y voir The Who, The Action, et tant d'autres, interpréter ces mêmes chansons. Du coup le lendemain je me précipitais chez le disquaire pour aller acheter les versions originales. Mon idée n'était pas d'apporter quoi que ce soit de 'nouveau' à ces morceaux déjà exceptionnels, mais plutôt d'essayer de récréer les sons et les émotions que j'ai ressenti lorsque je les ai entendu pour la première fois. Mon intention était de faire un 'vieux' disque et non quelque chose de 'nouveau'. Le simple fait de parvenir à réunir les trois survivants des Funk Brothers pour jouer sur tous les morceaux était quelque chose d'incroyable. A un moment donné sur 'Heat Wave', j'ai vraiment ressenti une joie intense en réalisant ce qui était en train de m'arriver ! J'ai davantage appris au niveau de la production et de la composition en réalisant cet album, que sur n'importe quel autre projet. A ces pionniers... Avec beaucoup d'amour et de gratitude."
Going Back démarre avec Girl (Why You Wanna Make Me Blue), un titre signé Holland-Dozier-Holland et interprété par les Temptations, et s'achève sur une version arrangée par Phil Collins de Going Back, un morceau de Gerry Goffin/Carole King rendu célèbre par Dusty Springfield. Le reste de l'album rassemble plusieurs chansons de Stevie Wonder - Uptight (Everything's Alright), Blame It On The Sun et Never Dreamed You'd Leave In Summer ; de Martha And The Vandellas - (Love Is Like A) Heat Wave, In My Lonely Room et Jimmy Mack ainsi que des Four Tops - Standing In The Shadows Of Love, Something About You et Loving You Is Sweeter Than Ever. L'album inclut également une autre reprise des Temptations, Papa Was A Rolling Stone, tandis que l'équipe Goffin-King est de nouveau représentée par le biais d'un autre titre de Dusty Springfield, Some Of Your Loving. Phil n'a pas oublié non plus Curtis Mayfield and The Impressions avec Talking About My Baby, ni les Ronettes avec Do I Love You ? Enfin, Going To A Go-Go de Smokey Robinson & The Miracles, Love Is Here des Supremes et Take Me In Your Arms (Rock Me A Little While) de Kim Weston viennent compléter cette superbe collection.
Ce n'est certes pas la première fois que l'Anglais rend hommage à ses racines musicales : on se souvient forcément de ses interprétations de You Can't Hurry Love (tube des Supremes), The Tears of a clown (Smokey Robinson & The Miracles), A Groovy Kind Of Love, etc. Mais Going Back, créé à partir d'une sélection de 40 perles soul plus ou moins connues dont 18 ont été retenues pour l'album et 29 pour l'édition deluxe, a tout de l'album-testament : après ce premier album en 8 ans, difficile d'imaginer que Phil Collins, qui recevait le 17 juin le Johnny Mercer Award, revienne.
D'abord, parce qu'il n'en a plus envie. En dehors de quelques concerts événements pour soutenir Going back, dont un en ouverture du festival de Montreux, Phil Collins préfère savourer sa retraite helvétique, comme il l'a clairement fait comprendre dans l'interview qu'il a accordée au Parisien : "Je suis venu ici il y a quinze ans par amour et pas pour les impôts ! Je fais du bateau l'été, du ski l'hiver et surtout je m'occupe de mes enfants. Quand mon petit dernier, Matthew, est né il y a cinq ans, je me suis dit que je ne voulais plus de tournée. Je me suis mis hors circuit. Et je suis content, même si cela peut paraître bizarre (...) Je ne m'ennuie pas, je vis... loin du business. J'aime écrire des chansons que je garde pour moi. Sinon, tout cela ne m'intéresse plus. J'en ai eu marre de voyager partout. Pour ce nouvel album, on m'a suggéré de faire un duo avec une star féminine et, tout de suite, c'est tombé dans le marketing. On a regardé les chiffres des ventes des unes et des autres, genre Leona Lewis, Beyoncé. Heureusement, il n'y a pas eu de suite".
Ensuite, parce que le handicap dont il est victime n'est pas négligeable : victime de problèmes de motricité en raison de séquelles dues à l'écrasement de nerfs par ses vertèbres, il a certes pu enregistrer l'album Going Back baguettes à la main. Mais les choses sont compliquées : "J'ai encore été opéré il y a quelques semaines. J'ai pu faire de la batterie sur mon disque mais ne plus jouer de cela ou du piano, je m'en fous. C'est plus inquiétant au quotidien. J'ai parfois du mal à tenir un stylo".
Des raisons de plus de découvrir le pélerinage Going back en live, avec un Phil Collins entouré de 18 musiciens et chanteurs parmi lesquels notamment certains musiciens de session de la Motown, les légendaires The Funk Brothers – à savoir le bassiste Bob Babbitt et les guitaristes Eddie Willis et Ray Monette.
Going back (sortie le 13 septembre 2009)
1. Girl (Why You Wanna Make Me Blue)
2. (Love Is Like A) Heat Wave
3. Uptight (Everything's Alright)
4. Some Of Your Loving
5. In My Lonely Room
6. Take Me In Your Arms (Rock Me For A Little While)
7. Blame It On The Sun
8. Papa Was A Rolling Stone
9. Never Dreamed You'd Leave In Summer
10.Standing In The Shadows Of Love
11.Do I Love You
12.Jimmy Mack
13.Something About You
14.Love Is Here
15.Loving You Is Sweeter Than Ever
16.Going To A Gogo
17.Talking Bout My Baby
18.Going Back
G.J.