"J'ai vécu cette annonce comme un viol." Les mots sont d'Anthony Delon. Il les prononce en juillet 1994 dans Paris Match. D'une force inouïe, ils font référence à un événement bien plus ancien...
Nous sommes au début de l'année 1986. Anthony Delon a 22 ans et se cherche encore. Après une enfance chaotique, entre la Californie, où il est né, et la France, où il va grandir, il va être baladé entre sa mère Nathalie, son parrain Georges Beaume, et son père Alain Delon. De pensions en institut privé, le gamin peine à trouver sa place. Elle ne sera pas à l'école, qu'il quitte à 17 ans pour ne plus y revenir.
Il court alors le monde, des projets en tête : Londres, où il travaille pour une maison de disques ; le Nigeria, où il espère réaliser un documentaire sur le chanteur Fela Kuti ; New York, où il croise Andy Warhol ou Brooke Shields. Il fera même un mois de prison après avoir été arrêté au volant d'une BMW volée, en possession d'une arme dérobée à des gendarmes par une figure du grand banditisme. Un scénario digne d'un film de son père, dont Anthony porte le nom et la gueule. Un visage à faire tomber toutes les filles...
Début 1986, Marie-Hélène Le Borges, danseuse au Crazy Horse plus âgée que lui avec qui il a eu une brève liaison, lui apprend qu'elle est enceinte. Être papa, il n'est pas prêt. D'où cette impression de voir son intimité violée qu'il confiera bien des années plus tard. "Je m'étais juré que mon premier enfant, je le ferais par amour, avec une femme que j'aimerais. Que je fonderais un foyer, une famille, et que, bien évidemment, je réussirais là où mes parents avaient échoué", clame dans les pages de nos confrères cet homme abîmé par la vie en évoquant "la trahison" dont il se sent alors victime.
Le 4 septembre 1986, une enfant va naître, qu'il ne va pas reconnaître, ou du moins pas encore. Elle s'appelle Alyson et porte le nom de sa mère, Le Borges. Tout le monde ignore qu'Alain Delon est déjà grand-père... Le Samouraï le sait-il lui-même, à l'heure où son fils s'apprête à vivre une nouvelle histoire, avec Valérie Kaprisky ? L'information ne sera rendue publique qu'en 2008 lorsque dans son autobiographie intitulée Le Premier Maillon, sortie chez Michel Lafon, Anthony, devenu de nouveau papa de Loup et de Liv, nées de ses amours avec Sophie Clerico, va reconnaître être le père d'une fille naturelle.
Alyson va donc grandir sans lui, mais pas très loin de lui, à Neuilly-sur-Seine, dans l'anonymat le plus complet. Pour autant, le lien n'est pas totalement rompu entre eux. Aux dix ans de sa fille, Anthony lui fait une promesse, celle de se soumettre à un test de paternité lorsqu'elle sera majeure. En attendant, elle fait ses premiers pas au cinéma, à 11 ans, dans L'Île bleue, film de Nadine Trintignant. Lorsqu'elle souffle sa dix-huitième bougie, Anthony tient parole. Sans surprise -tant il est évident en regardant ses yeux clairs, son fin visage, sa bouche et ce corps sublime qui s'étalera bientôt dans les magazines- Alyson a du Delon en elle : le test est positif.
La jeune fille va néanmoins poursuivre sa vie loin de lui. Une fois son bac obtenu, elle quitte la France, direction Londres pendant une année, puis, elle revient à Paris où elle suit le Cours Simon, la célèbre école d'art dramatique française. Puis, c'est le choc. "Soudain, quelques jours avant sa majorité pénale, 21 ans, elle m'a assigné en justice. Sous l'influence de sa mère, je pense. Elle m'a demandé une prise de sang, une somme d'argent et le nom de Delon", se souvenait Anthony des années plus tard, encore meurtri par l'affront, dans les colonnes de Paris Match. Une nouvelle "trahison", selon lui. "Je me suis senti humilié par ce procès, j'en ai longtemps gardé une sorte de rancoeur", confiera-t-il, comme pour justifier la distance qu'il instaure avec elle.
Sept ans vont passer... Convaincu sans doute qu'un enfant a besoin d'un père, lui qui a vu passer le sien dans sa vie comme une étoile filante, Anthony décide de faire un pas vers sa fille. En 2014, il lui adresse un message par média interposé. "Ma porte est ouverte", lui lance Anthony dans les pages de Match. "Je me suis dit que c'était mon devoir d'homme d'être là. Plus je vieillis et plus je me sens contraint de faire ce qui me semble juste", confie celui qui, cette année-là, célèbre son cinquantième anniversaire en famille. "Avec le temps, ajoute-t-il, l'idée selon laquelle il n'y aurait que deux catégories de gens se confirme – ceux qui démissionnent et ceux qui répondent présent."
Il sera présent. Les retrouvailles se déroulent lors d'un moment on ne peut plus symbolique : les fêtes de Noël de cette année 2014. "Je n'oublierai jamais cette soirée, tous les quatre, les trois filles et moi. J'ai fait la cuisine, ouvert une bonne bouteille de vin rouge, et je les ai regardées vivre. J'étais heureux et fier", lâchait-il à Paris Match.
Quelques mois plus tard, en août 2015, c'est devant les objectifs du magazine et sous le soleil des Bahamas où ils sont partis tous deux pour des vacances paradisiaques qu'ils se retrouvent encore. Les eaux turquoises des Caraïbes font paraître leurs yeux encore plus clairs. Le père et la fille sont beaux comme des dieux.
Trois mois plus tard, Alyson va franchir un nouveau cap dans son entrée dans la famille Delon. Le 7 novembre 2015 au soir, dans le décor confortable du restaurant italien La Corte, rue Saint-Honoré à Paris, elle est assise à la même table que son père Anthony et que ses demi-soeurs, Loup et Liv. Nathalie Delon est là aussi. Mais surtout, il y a Alain, dont on fête ce soir-là le 80e anniversaire. Moment d'unité rare. Alyson fait enfin partie intégrante de la famille. Elle a 29 ans...
Samedi 24 août dernier, Alyson était bien présente lors des obsèques de son grand-père. Elle avait fait le voyage des Etats-Unis, de Los Angeles, où elle a désormais sa vie, entre cinéma et mannequinat. Toujours aussi belle. Toujours aussi libre. Pas de doute, c'est une Delon.