Il aurait pu devenir le second homme le plus haut de l'histoire. Mais un règlement aussi stupide que strict a privé le perchiste Renaud Lavillenie d'une performance historique avec un saut à 6,07 mètres... En larmes après une décision inique des juges, le tricolore, leader de l'athlétisme français, était tout de même partagé, entre son titre de champion d'Europe acquis sans contestation possible et la déception d'une marque non homologuée...
Tout avait pourtant parfaitement débuté pour le champion olympique français, sacré à Londres l'été dernier. Dans une Scandinavium Arena de Göteborg pleine à craquer ce dimanche 3 mars, Renaud Lavillenie a réalisé un concours parfait à la perche, écoeurant tous ses adversaires un à un, avant de s'adjuger un troisième titre de champion d'Europe en salle consécutif, faisant de lui l'un des plus grands perchistes de tous les temps et le leader incontesté de l'équipe de France d'athlétisme. Pour finir en beauté, le perchiste a tenté, et réussi, une barre à 6,07 mètres, soit la seconde meilleure performance de l'histoire derrière le Tsar Sergueï Bubka, recordman absolu avec 6,15 mètres.
Sauf que. Alors que Renaud Lavillenie exultait, courant les bras grand ouverts sur la piste, les juges annulaient la performance de la star. Malgré l'incrédulité du public, et même du speaker, les juges ne faisaient qu'appliquer un point de règlement très strict. En résumé, la barre n'est certes pas tombée, mais après le saut, elle ne s'est pas reposée sur les taquets la soutenant, invalidant ainsi le saut... "Ça aurait pu être une journée extraordinaire, confiait-il un brin amère une fois la déception digérée. Ça reste une belle journée, je ne vais pas me plaindre, mais je reste sur un goût d'inachevé parce que tout le monde a vu cette barre rester. Ce n'est pas une barre à 5,95 mètres , c'est une barre à 6,07 mètres ! (...) Il y a des règles qui sont stupides, je ne mâche pas mes mots..."
Renaud Lavillenie, privé de Légion d'honneur malgré un titre de champion olympique pour cause de casier judiciaire non vierge, était toutefois conscient de l'exploit réalisé et de sa capacité d'aller chercher un jour le record de Sergueï Bubka : "Hormis Bubka, je pense qu'il n'y en a pas beaucoup d'autres [capables de sauter plus de 6 mètres deux fois de suite dans un concours, NDLR]. J'ai tout gagné sauf un titre mondial en plein air. Depuis l'ère Bubka, il n'y a pas d'autres perchistes qui ont dominé la discipline comme je le fais actuellement." Remis de ses émotions malgré l'énorme déception de ne pas voir son record homologué, le tricolore savourait avec son clan, conscient d'un potentiel à nul autre pareil et d'une concurrence loin de pouvoir l'inquiéter. Alors, imbattable le perchiste ?
"Vous vous trompez car, à tout moment, quelque chose peut m'arriver, confiait-il. Mais je prends un kif énorme à chaque concours et, tant qu'il me reste un essai, je ne lâche jamais le morceau. Et puis, en sautant dans mon jardin comme un con avec mon frère, avec Stan [un coéquipier, NDLR], j'entretiens cette adrénaline, cette motivation. Surtout, je sais que je peux vraiment sauter haut. Là, c'est une évidence. Et un plaisir." Un plaisir à renouveler pour enfin écrire son nom dans l'histoire de la perche. Et officiellement cette fois-ci.