Couple mythique de la fin des années 1960, Roman Polanski et Sharon Tate ont vu leur bonheur détruit par Charles Manson et ses adeptes. Le 9 août 1969 à Los Angeles, la sublime actrice de 26 ans est assassinée par la "famille" de Manson, poignardée à seize reprises alors qu'elle est enceinte de 8 huit mois et demi. Dans la tuerie qui traumatisa les Etats-Unis, quatre de ses amis trouvent également la mort. Le réalisateur polonais est alors en repérage à Londres. À l'approche du 45e anniversaire de la mort de Sharon Tate, sa soeur Debra publie un livre de souvenirs dans lequel Roman Polanski, qui a refait sa vie avec Emmanuelle Seigner, témoigne de l'amour qu'il portait à sa jeune épouse.
The it-couple
Sharon Tate: Recolletion, de Debra Tate, est composé de photos inédites de l'actrice et de nombreux témoignages, notamment ceux de Jane Fonda, Warren Beatty et Joan Collins. Le producteur Martin Ransohoff, le premier à avoir vu le potentiel de l'actrice, présente Sharon à Roman alors qu'il prépare sa comédie d'horreur Le bal des vampires. Les premiers rendez-vous de la jeune femme avec le jeune réalisateur en plein essor sont pour le moins spéciaux. "Martin Ransohoff a organisé un dîner pour nous deux, raconte Sharon. Roman ne m'a pas adressé la parole, nous étions juste assis là, nous avons mangé en silence et il m'a juste regardée." Le second rendez-vous se déroule de la même manière, mais, après le dîner, il convie Sharon Tate chez lui. "Il a allumé quelques bougies et s'est excusé avant de s'éclipser. Il m'a laissée debout toute seule. Quelque temps après, il est réapparu comme un diable dans la pièce avec un masque de Frankenstein. Je me suis mise à hurler et tandis que je criais toujours de peur, il était déjà en train d'appeler Ransohoff pour lui dire que j'avais décroché le rôle."
Sur le tournage du Bal des vampires, Roman Polanski tombe amoureux de son actrice. Ils ne perdent pas une seconde. En janvier 1968, ils se marient à Londres. Dans le livre de Debra Tate, Polanski écrit qu'il y avait plus de photographes que d'invités. La fête se poursuit au Playboy Club. "Apparemment, se souvient le réalisateur, il y avait tout Londres et la moitié d'Hollywood." Pour Robert Evans, producteur de Chinatown, ils formaient tout simplement le "couple le plus heureux qu'il connaissait à Hollywood". Et le jeune réalisateur avait de quoi être enchanté...
Une future étoile
"Sharon était la star de cinéma la plus belle de sa génération, écrit Debra Tate. Elle était talentueuse. Elle a rencontré et épousé l'homme de ses rêves. Elle a pu vivre sa grossesse avec bonheur. Elle avait accompli tant de choses en si peu de temps." Sharon Tate était en peu de temps devenue un symbole. "À cette époque, écrit Polanski. Elle n'était pas seulement l'amour de ma vie, elle était celui de tout le public. Sharon n'était pas naïve, ni stupide, ni le cliché de la starlette. Ce qui m'impressionnait chez elle, au-delà de son incroyable beauté, c'était ce rayonnement qui émanait d'elle du fait de sa profonde gentillesse."
Celle qui avait débuté par les concours de beauté, puis dans des pubs télé et enfin au cinéma, avait déjà réussi à convaincre de son talent dans des films comme Don't Make Waves et Valley of the Dolls. Elle était destinée à devenir une grande star de cinéma et parvenait malgré tout à être une parfaite épouse. "C'était une femme d'intérieur, par nature, écrit Roman Polanski. Au-delà de cuisiner comme une pro, elle me coupait les cheveux, un talent qu'elle tenait de Jay Sebring [le coiffeur des stars était son ex avant de devenir son ami, et fut lui aussi tué le soir du 9 août, NDLR]. Elle aimait faire ma valise à chaque fois que je devais voyager. Elle savait exactement quoi y mettre, si bien qu'aujourd'hui encore, je ne peux faire un sac ou le défaire sans penser à elle."
Un traumastime américain
Le meurtre de Sharon Tate est une épreuve, pas seulement une tragédie familiale mais aussi un traumatisme américain. 1969, c'est le Flower Power, le festival Woodstock, le Summer of Love... Le massacre met un terme à cette insouciance. Les célébrités se barricadent dans leur maison. On ne laisse plus sa porte ouverte. Au-delà de la blessure intime de perdre sa jeune épouse et son fils à naître, Polanski est accablé par certains et doit se justifier. N'a-t-il pas tourné quelques années plutôt Rosemary's Baby, un film sur le démon ?
En 1974, il tourne Chinatown, son dernier film américain, qui reçoit 11 nominations aux Oscars. Trois ans plus tard, il est arrêté, puis il quitte les Etats-Unis. En Europe, il rencontre dans les bureaux de Dominique Besnehard une jeune actrice dont il tombe éperdument amoureux, Emmanuelle Seigner. Marié depuis 1989, le couple a deux enfants : Morgane (née en 1993) et Elvis (né en 1998). S'il a refait sa vie, Roman Polanski n'oubliera jamais Sharon Tate : "Après toutes ces années, je suis incapable de regarder un coucher de soleil spectaculaire ou visiter une jolie maison ancienne ou faire l'expérience de n'importe quel plaisir visuel sans instinctivement me dire qu'elle aurait adoré. En ce sens, je lui resterai fidèle jusqu'à la fin de mes jours."