"Je me souviens de cette nuit du 28 avril dernier. Il faisait un froid de canard. (...). Cette nuit-là, j'ai reçu l'appel des gendarmes de Pouilly-sur-Loire à 3 h 20 précises. Une Porsche 924 turbo avait quitté la route au lieu-dit Maltaverne, à Tracy-sur-Loire, sur la N7 une longue courbe limitée à 60 km/h mais que les habitués prennent, eux, à 140! (...) Arrivé sur place, quatre à cinq minutes après l'appel, avec neuf de mes hommes et deux véhicules, dont un équipé des secours d'urgence, j'ai reconnu tout de suite Sacha Distel. Il était dans le cirage. Il se tenait debout près de la voiture, sur le parking. On lui avait jeté une veste de gendarme sur les épaules. Il grelottait. La femme était inconsciente, coincée dans les tôles. Impossible de la sortir. Il fallait "désincarcérer", c'est-à-dire installer un éclairage sur un groupe électrogène et découper le pavillon avec une cisaille pneumatique pour extraire la blessée. Et, pendant l'opération, lui faire un tubage à l'oxygène... (...) En dix minutes, c'était terminé, et on déposait Chantal Nobel sur le brancard quand les renforts de pompiers de Cosne-sur-Loire sont arrivés. Au début, j'ai demandé à Sacha Distel s'il voulait entrer dans l'ambulance pour se réchauffer. Il a refusé. "Non, a-t-il dit, je veux assister au sauvetage. J'attendrai qu'elle soit sortie de la voiture". Son visage était noir. Il n'était pas rasé, il avait une boule de sang, un hématome sur le front. Il était sonné, mais conscient. Il avait l'air de se demander ce qui lui était arrivé... "
Ainsi Michel Dutartre, le lieutenant des pompiers de Pouilly-sur-Loire, relate-t-il dans son livre de rapport l'accident survenu dans le nuit du 28 avril 1985 qui allait changer à la fois la destinée de Chantal Nobel, et celle de son conducteur, Sacha Distel...
Alors que l'on commémore ce 22 juillet 2024 le 20ème anniversaire de la mort du crooner, ceux qui ont connu ces années-là, ceux qui ont encore en mémoire les mots, "Puissance et gloire, Dans l'eau trouble d'un regard, L'aventure et la passion, Autour de Chateauvallon", extraits du générique du feuilleton Chateauvallon qu'interprétait jadis Herbert Léonard, n'ont sans doute pas oublié le feuilleton bien plus dramatique qui allait suivre cet accident tristement fameux.
Le samedi 27 avril 1985, l'actrice Chantal Nobel, héroïne du feuilleton Chateauvallon participe à des essais automobile sur le circuit de Magny-Cours avec d'autres célébrités, en préparation d'une course le lendemain. En fin de journée, elle se rend à Paris en avion où elle est attendue dans l'émission Champs-Elysées, sur Antenne 2. Après l'enregistrement, l'actrice se dirige vers l'Olympia où son ami Sacha Distel finit de se produire. Ils auraient ensuite dîné ensemble, au point que certains ont vu plus que de l'amitié dans leur relation. Puis, au terme de la soirée, elle lui aurait demandé de la raccompagner dans la Nièvre. Malgré les réticences du chanteur, elle aurait fini par le persuader. Leur trajet s'est donc arrêté brusquement au hameau de Maltaverne.
"La dame de fer de Chateauvallon fauchée en plein triomphe", titre la presse à scandale. L'actrice, victime de multiples fractures au bassin, va passer trois semaines dans le coma et rester handicapée à vie. Elle ne retrouvera jamais l'usage normal de sa jambe droite. La série Chateauvallon, qui pourtant rencontrait un inimaginable succès, puisqu'elle avait rassemblé 17 millions de téléspectateurs devant leur poste pour le deuxième épisode, s'arrête au bout de la première saison, de même que s'arrête, net, la carrière de Chantal Nobel. Commence alors un duel judiciaire qui ne prendra fin que des années plus tard...
Cinq mois après le drame, Chantal Nobel dépose plainte contre X et se constitue partie civile cependant que le parquet, en mai 1985, avait envisagé de classer l'affaire au regard des premières expertises. Trois ans plus tard, en décembre 1988, s'ouvre au tribunal correctionnel de Nevers ce procès que la France attend et qui voit deux versions s'opposer.
Pour les défenseurs de Chantal Nobel, le chanteur roulait excessivement vite, autour de 150 km/heure, estiment-ils. Ils ajoutent par ailleurs que le conducteur devait s'être endormi, car il ne répondait plus aux questions de sa passagère depuis un moment, lorsque la voiture a quitté la route pour aller s'écraser sur le bas-côté. Une version que dément formellement l'inoubliable interprète de La Belle Vie.
Quelques mois après le drame, il affirme dans Télé 7 Jours : "J'ai vu les bandes blanches plastifiées qui deviennent aussi glissantes que des flaques d'huile dès qu'il pleut. Dans la courbe à gauche, à la sortie du parking des camions, si j'avais été trop vite, comme certaines personnes bien intentionnées l'ont laissé entendre, je serais sorti à droite, n'importe quel pilote professionnel vous le dira. Or, la voiture a touché un petit remblai de béton le long de la chaussée. Ça a fait déjanter les deux roues droites, la voiture, déséquilibrée, a fait un petit tête-à-queue et est allée se ficher dans un pylône à proximité." Au procès l'artiste évalue sa vitesse à 70 km/h.
Au terme de deux semaines de débats, le tribunal rendra son verdict. Considérant que Sacha Distel doit être "traité comme un conducteur ordinaire", le procureur requiert contre lui "une courte peine de prison avec sursis, une peine d'amende et une suspension du permis de conduire de sept ou huit mois. C'est ainsi que sont traités les conducteurs nivernais", pour des faits similaires, justifie l'homme de loi. Au final, Sacha Distel écopera d'une peine d'un an de prison avec sursis, pour blessures involontaires mais toute sa vie se trouvera lestée par ce fardeau. Ses albums suivants se vendront très mal, surtout, il va devoir lutter contre diverses maladies. Après avoir survécu à un cancer de la peau et un cancer de la glande thyroïde, il s'éteint le 22 juillet 2004 de suites d'un cancer du côlon, à 71 ans, laissant derrière seule à son calvaire sa veuve, Francine.
Chantal Nobel, de son côté, restera à jamais dans l'ombre. Quelques mois à peine après son accident, elle épouse en secret un célèbre joaillier de Saint-Tropez, Jean-Louis Julian. Ce dernier est mort le 17 mai dernier mais Chantal Nobel, ainsi que vous le révélait Purepeople n'a pu être présente à ses obsèques, du fait de problèmes de santé. Elle a aujourd'hui 75 ans.