Le magazine Les Inrockuptibles a suscité une vive émotion en choisissant de porter en couverture Bertrand Cantat, chanteur, auteur-compositeur, musicien et responsable de la mort de Marie Trintignant en 2003. Quatorze ans après la disparition de l'actrice, victime des coups de celui qui était son compagnon, voir l'ancien leader de Noir désir en une d'un magazine ne laisse personne indifférent. Sur les réseaux sociaux, les réactions affluent, que ce soit celles de journalistes, de politique, de comédiens et d'anonymes. C'est désormais au juge qui a décidé de la libération conditionnelle de l'interprète de L'Homme pressé de s'exprimer : Philippe Laflaquière a donné son point de vue sur le scandale dans les colonnes du Parisien.
Il est inexact de le présenter comme un meurtrier.
Le juge Laflaquière fait le portrait d'un homme "à l'apparence juvénile, réservé, fragile, rongé par la culpabilité, conforme au portrait qu'en avaient fait les experts psychiatriques et psychologies". Il revient sur la dispute entre Bertrand Cantat et Marie Trintignant et rappelle qu'il a été condamné à Vilnius pour "coups mortels" et non pour homicide volontaire. Le Parisien précise que cette dernière qualification n'existait pas alors dans le droit lituanien. L'homme de loi ajoute : "Il est donc inexact de le présenter comme un meurtrier, ou pire comme un assassin, toujours cette dictature de l'émotion."
La libération conditionnelle de Bertrand Cantat en 2007, réduisant de cinq années sa peine de huit ans de prison, a beaucoup ému et le magistrat assume cette décision : "Son dossier remplissait tous les critères exigés par la loi." Il ajoute même qu'il aurait pu le libérer un an auparavant mais que l'accusé ne voulait pas de traitement de faveur et que sa libération s'est déroulée sans aucun incident.
Pour le juge, Bertrand Cantat est devenu le symbole des violences conjugales à tort. Il est alors interrogé sur le suicide en 2010 de Kristina Rady, mère de deux enfants avec le chanteur et qui l'avait soutenu pendant le procès. Philippe Laflaquière en a été bouleversé : "J'avais rencontré une femme positive, dynamique, lumineuse. J'ai pensé à ses enfants comme j'ai pensé à ceux de Marie Trintignant (elle en a eu quatre)". Il se souvient aussi d'un communiqué d'une avocat l'accusant d'être responsable de son suicide, en libérant Cantat et en publiant un livre qui aurait passé sous le silence les violences supposées sur son épouse : "Mon livre [Longues peines, le pari de la réinsertion aux éditions Milan] a été envoyé pour impression en 2012, des mois avant que l'on ne connaisse l'existence de l'appel téléphonique troublant de Kristina à ses parents."
Le retour des prisonniers à la vie civile après une longue peine est une question sur laquelle Philippe Laflaquière travaille beaucoup, et notamment sur le "droit à l'oubli" afin que les anciens criminels recommencent leur vie : "Impossible d'imaginer pour Bertrand Cantat ce droit à l'oubli. (...) De toutes façons, lui-même n'oubliera jamais ses actes." Il soulignera par ailleurs le "silence digne" de Nadine Trintignant [mère de Marie] lors de la libération du coupable, alors qu'elle était invitée sur une chaîne de télévision. L'année suivante, elle avait décrit comme indécent le retour dans la lumière de Cantat.
En réponse au "droit à l'oubli" pour le chanteur, la journaliste Nadia Daam avait écrit :
Si les réseaux sociaux sont parfois un tribunal médiatique populaire incontrôlable, il est difficile de ne pas s'indigner lorsqu'on place Bertrand Cantat en couverture de magazine tel un "héros romantique" – lire à ce propos l'article de France Culture – et que l'on sait que la précédente couverture avec l'artiste dans Les Inrocks en 2013 avait compté parmi les plus fortes ventes de la revue, selon Arrêt sur images...