Bertrand Cantat a été condamné à huit ans de prison pour le meurtre en 2003 de sa compagne Marie Trintignant. Il a été libéré en 2007. Dix ans après sa sortie, le chanteur revient avec un album solo, en son nom, attendu en décembre. Les Inrockuptibles lui consacre une grande interview et sa couverture, déclenchant la colère de beaucoup, à commencer par la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa...
Sur Twitter, cette dernière s'est indignée : "Et au nom de quoi devons-nous supporter la promo de celui qui a assassiné Marie Trintignant à coups de poing ?" Un avis partagé par beaucoup, brillamment étayé par la journaliste Nadia Daam (Europe 1, arte) qui estime que le choix des Inrocks est problématique pour plusieurs raisons : "Parce qu'on ne prête pas une oreille compatissante à l'auteur d'un féminicide, commence-t-elle sur Twitter. Parce que, oui, il a purgé sa peine. Mais Marie Trintignant, elle, n'a pas ressuscité, ses enfants sont toujours orphelins. Ses parents meurtris à jamais." On pense aux récentes déclarations de Jean-Louis Trintignant sur Europe 1...
Depuis sa libération, Bertrand Cantat a participé à une création théâtrale de Wajdi Mouawad, à un hommage sur scène à Alain Bashung et il a fait des apparitions auprès de Shaka Ponk, notamment. Il a aussi cartonné dans les bacs et en tournée avec le groupe Detroit, formé avec son complice Pascal Humbert. C'était en 2013 et déjà il faisait la couverture des Inrockuptibles après s'être confié à France Bleu Gironde depuis l'intimité de son studio.
Dans cette nouvelle interview, Bertrand Cantat raconte sa solitude, comment il a retrouvé petit à petit le goût de la musique en prison et la genèse de son nouvel album, intitulé Amor Fati, un concept de Nietzsche qui signifie : "Aime ton destin, vis avec." De ses actes, Cantat ne dit que ceci : "Vilnius est un trou noir. Et ça a tendance à tout absorber. Ça prend beaucoup de place, ça occupe chaque seconde. Mais on finit par trouver un semblant de vie." Si on ne lui crache pas dessus dans la rue et qu'il estime que les polémiques à son sujet ne le regardent pas, l'ancien leader de Noir Désir a longtemps pensé au suicide, mais il n'est jamais passé à l'acte comme son ex-femme Kristina Rady : "Le suicide m'a obsédé pendant longtemps. Tout me semblait tellement dingue que ça paraissait la seule solution : vivre était insupportable après ce qui s'était passé. J'ai aussi longtemps envisagé de disparaître, vivre à l'étranger, mais les enfants [Milo (1997) et Alice (2002), nés de sa relation avec Kristina, ndlr] ne voulaient pas quitter la ville [Bordeaux où leur père a ouvert un bar, ndlr], leur vie, leurs copains, leurs repères..."
Pour se remettre d'aplomb, le chanteur de 47 ans a pris des médicaments. Jusqu'à en devenir dépendant. Il parle d'une "addiction dont il a eu beaucoup de mal à sortir". Il a aussi cette phrase : "Parler publiquement de ce qui s'est passé m'aurait peut-être aidé, mais ça aurait été indécent."
Les Inrockuptibles décrit sa musique, raconte les voyages de Cantat et présente un homme qui n'a rien d'apaisé : "Ce qu'on entend est nu et riche – ces contradictions faisant la force de cet album d'un homme à l'intensité, à la gravité et à la tristesse indéboulonnables. Une musique faussement apaisée, qui singe la sérénité alors qu'elle est agitée de tics : voilà qui correspond bien à Bertrand Cantat. On l'a ainsi surpris en pleine sieste, qui chez lui ressemble à un combat : secoué de tremblements et de tornades intérieures, on doute qu'elle soit de tout repos."