Phénomène de convergence. A l'heure où la censure possiblement instituée est devenue un boulet à la cheville de Nicolas Sarkozy, taxé de faire espionner les journalistes, plusieurs artistes en arrivent à dénoncer une véritable castration des audaces.
A la rentrée, le clip de Raphaël pour Bar de l'hôtel, très esthétisé et très "Orange-Mécanisé", accompagnant son retour remarqué avec l'album Pacific 231 et signé - excusez du peu - Olivier Dahan, subissait une censure par la chaîne M6, qui le jugeait trop violent. Et ce n'était pas une première. Quelques semaines plus tard, on retrouvait Raphaël l'effronté, l'hérétique, l'affranchi, dans une vidéo sauvage de Benchetrit : le chanteur chevauchait la statue équestre de Jeanne d'Arc, place des Pyramides, en dénonçant, entre autres, les dérives fascisantes dans sa chanson Le Patriote.
Dans la catégorie chanson française nouvelle génération, c'est au tour de Sorel de se heurter aux censeurs. Après avoir fait ses armes en publiant en 2008 l'album Fuyons maintenant, l'artiste de 33 ans nourri au Noir Désir dans ses jeunes années revenait en 2010 avec ses textes inspirés, ses mélodies racées et ses arrangements intéressants pour l'album baptisé S (M6 Interactions).
Un album enregistré dans le studio de Francis Cabrel que Sorel a souhaité défendre avec un clip illustrant le single Je me souviens, joli morceau hanté par des choeurs fantomatiques qui escortent sa voix de "doux écorché vif". Problème : le clip de Je me souviens a mysérieusement été censuré par les chaînes télé.
Le premier surpris en fut l'intéressé, qui a contacté Purepeople il y a quelques heures pour témoigner spontanément :
"J'ai appris il y a quelques jours l'interdiction de mon clip "Je me souviens" sur les antennes de télévision, pour "incitation au crime". Les bras m'en sont tombés... Comment peut-on décemment censurer ce videoclip sous prétexte qu'il inciterait au meurtre ?
Je n'en suis pas revenu.
Ce qui me dérange ce n'est pas tant la censure. Elle est nécessaire pour protéger, cadrer... Non, ce qui me dérange, c'est de l'utiliser sournoisement pour laisser place aujourd'hui au politiquement correct. On ne peut plus rien dire, plus rien offrir, plus rien proposer d'un peu différent, d'un peu outrancier."
Nous devons confesser, chez Purepeople, que nous avions découvert la version "édulcorée" en premier, et avions été alors bien en peine de deviner quelle(s) séquence(s) choquante(e) avait bien pu être gommée(s)... Le fait est, après visionnage du clip non censuré que nous vous proposons ci-dessus, que la censure relève ici de la pinaillerie, propre effectivement à condamner toute forme de suggestivité et de création artistique. S'il le faut, nous pouvons indiquer une kyrielle de clips actuellement en rotation qui, sous cet angle, pourraient mériter le même traitement.
Incitation au crime ?! A vous de juger.
Beaucoup en ont déjà pris leur parti en se regroupant pour soutenir Sorel, qui sera en concert mardi 9 novembre au Sunset, à Paris.
G.J.