"Je veux signaler un viol"
Kim Novak accuse le réalisateur de The Artist d'avoir repris Scène d'amour, un des thèmes musicaux de Sueurs froides (Vertigo), sans avoir suffisamment mis en avant la paternité de cette composition dans le générique. Kim Novak, 78 ans, n'y va pas par quatre chemins dans sa déclaration, qui a été publiée dans la revue américaine Variety :
"Je veux signaler un viol. Je me sens comme si mon corps - ou du moins mon travail - avait été violé par le film The Artist. Le film pouvait et aurait dû reposer sur ses propres créations, sans utiliser la musique de Bernard Herrmann créée pour Sueurs froides d'Alfred Hitchcock, dans le but d'insuffler une plus grande tension dramatique. Une grande partie de la musique de Sueurs froides a été écrite pendant, et non pas après, le tournage, c'était la façon de travailler d'Hitchcock. Le thème Scène d'amour a été créé musicalement avec les pièces du puzzle de l'histoire. Selon moi, les efforts du compositeur, du réalisateur, de James Stewart et de moi-même ont été violés."
"Je suis la seule qui peut parler aujourd'hui. Ils [l'équipe du film The Artist] n'avaient pas besoin d'utiliser ce que je considère comme l'une des plus importantes scènes dans l'histoire du cinéma en utilisant la musique de Sueurs froides et en utilisant les émotions qu'elle engendre comme si elles étaient les leurs. Même s'ils précisent rapidement l'origine de cette musique dans le générique de fin, je crois qu'il s'agit de tromperie. Honte sur eux !" C'est en lettres majuscules que ces dernières phrases achèvent son pamphlet : "C'est moralement condamnable pour les talents artistiques de notre industrie d'utiliser et d'abuser des morceaux célèbres pour attirer l'attention. [...] Il est essentiel de protéger l'ensemble des travaux pour la postérité, avec leur identité originale et individuelle intacte et protégée."
Un discours vindicatif rapidement réfuté
The Artist, dont le compositeur Ludovic Bource est nommé aux Golden Globes, repose émotionnellement, comme tout film muet, en grande partie sur sa partition musicale. Kim Novak estime donc qu'il s'agit d'une utilisation trompeuse et abusive d'un travail qui a été accompli tout spécialement pour un autre film emblématique, au cours d'une scène qui l'est tout autant. Un discours vindicatif de la part de l'actrice d'un des plus fameux longs métrages d'Hitchcock qui, si l'on suit son argumentation, pourrait s'insurger sur d'innombrables oeuvres dans le monde entier réutilisant, faisant revivre et rendant hommage à de grands moments cinématographiques du passé. Les projecteurs placés sur cette oeuvre, acclamée outre-Atlantique, dérangeraient-ils la comédienne ?
En quelques mots, le cinéaste français a répondu : "The Artist a été conçu comme une déclaration d'amour au cinéma et s'est développé de mon admiration et de mon respect (et de ceux de l'équipe du film) pour les longs métrages à travers l'histoire. The Artist a été inspiré d'Hitchcock, Lang, Ford, Lubitsch, Murnau et Wilder. J'adore Bernard Hermann, sa musique a été utilisée dans différents films et je suis très heureux de l'avoir dans le mien. Je respecte grandement Kim Novak et je regrette d'entendre qu'elle n'est pas d'accord."
The Artist se rapproche des Oscars
Parallèlement à la colère de Kim Novak, The Artist poursuit son ascension et sa campagne pour les Oscars, dont les nominations seront annoncées le 24 janvier. Le réalisateur vient d'ailleurs d'être nommé aux Directors Guild Awards (syndicat des réalisateurs américains), dont les prix seront remis le 28 janvier, aux côtés de David Fincher (Millénium) ou encore d'Alexander Payne (The Descendants), Woody Allen (Minuit à Paris) et Martin Scorsese (Hugo Cabret). Si Michel Hazanavicius remportait ce prix, il se placerait encore mieux pour l'Oscar... Un rêve hollywoodien qui se concrétise, mais qui n'empêche pas le cinéaste d'OSS 117 de réfléchir à son prochain film, remake de Les Anges marqués de Fred Zinnemann, avec à nouveau sa compagne Bérénice Bejo.
Hommage à l'âge d'or hollywoodien, The Artist a commencé par séduire le président du jury du Festival de Cannes Robert de Niro, pour ensuite conquérir sans difficulté le continent américain. Selon The Hollywood Reporter, The Artist représente cela : "Un conte séduisant sur les jours du cinéma muet à Hollywood, qui est lui-même muet. Ce film français charmera les cinéphiles avec sa tendresse pour les films de l'âge d'or." Pour le Los Angeles Times : "The Artist est une merveille de l'époque, autant qu'Avatar a été un miracle, bien qu'ils aillent chacun dans une direction opposée." Le Time Magazine, qui l'a élu film de l'année 2011, écrira : "Avec une confiance suprême et une passion très informée et contagieuse sur son sujet, le réalisateur et scénariste réussit à embrasser les contradictions et ensuite les résoud avec une grâce comique." Entre nostalgie des heures glorieuses en forme d'hommage à Hollywood et audace qui s'exporte sans mal de l'autre côté de l'Atlantique, les Américains ont été séduits.