- "J'ai l'impression d'être une thérapeute qui voit défiler ses clients."
Assise dans une chambre d'hôtel du luxueux George V où les journalistes défilent pour la rencontrer, Virginie Efira ouvre l'interview avec cette pointe d'humour qu'on espérait d'elle et attend qu'on en fasse de même. Croisée dans un salon quelques minutes auparavant, l'actrice semblait tendue ; en face-à-face, elle est d'un naturel désarmant.
Le 30 novembre, Virginie Efira participe à l'aventure française du Chat potté, qui offre au matoux narcissique de Shrek sa propre odyssée fantastique à la poursuite de la poule aux oeufs d'or. Pour le public français, elle sera Kitty patte de velours, une aventurière sensuelle et voleuse hors-pair. Après avoir été choisie pour doubler Jennifer Love Hewitt dans les deux films Garfield, Virginie Efira marche cette fois-ci dans les pas de Salma Hayek : "J'ai oublié de dire que le choix s'est fait par ressemblance physique sans équivoque. Je ne double que des bombes, question de principe (rires). Sérieusement, c'est super d'appartenir de manière même infime à un film si magique et fou."
C'est d'ailleurs sa cinquième expérience dans les studios de doublage : "Je pense que la première fois, franchement, c'est parce que je faisais de la télévision et qu'on a dû se dire que je pourrais faire de la promo. Maintenant, j'en ai fait plusieurs et ça me plaît. Le studio américain sélectionne les voix qui doublent, alors heureusement que je peux me débarasser de l'accent belge." Pour ceux qui restent persuadés que le doublage est un jeu d'enfant, Virginie Efira explique qu'il s'agit avant tout d'un vrai challenge technique : "Tu n'as pas de partenaire, seulement une équipe technique dans le studio, dont quelqu'un de Dreamworks qui retouche point par point ta voix pour y ajouter des nuances. Avec toutes ces contraintes, c'est compliqué de trouver un espace pour amener une personnalité."
Actuellement, Virginie Efira est aussi à l'affiche de la comédie Mon pire cauchemar où elle a retrouvé la réalisatrice Anne Fontaine, deux ans après son rôle de prostituée dans Nathalie au théâtre. Car c'est d'abord sur les planches qu'elle rêve sa carrière avant d'attirer l'attention des chaînes françaises à la télévision belge. Sur M6, elle anime une série d'émissions et son joli sourire conquiert le public. Mais derrière la présentatrice, la comédienne perd espoir : "À ce moment, je me dis que je dois oublier mon rêve de devenir actrice. En dehors d'Opération Séduction, que j'ai fait une fois en me demandant ce que je faisais là tellement c'était horrible, je prenais beaucoup de plaisir à être animatrice. Déjà parce que c'est ce que je faisais sur le moment, alors je faisais tout pour que ce soit chouette ! Mais c'était une forme de renoncement. Je pensais que je n'avais pas les capacités. Pour des raisons plus intimes aussi, parfois on est dans une relation où on ne s'autorise pas certaines choses car on laisse l'autre prendre cette place là."
Jusqu'au jour où elle refuse d'abandonner ses désirs. Comme elle le dit elle-même, "il est des moments où on est plus en prise avec ses désirs". Virginie Efira lâche son micro pour enfiler le costume d'actrice, et après un téléfilm et une apparition dans Kaamelot, tient le rôle principal d'Off Prime, délicieuse parodie de sa "vie" d'animatrice lancée dans le cinéma. Virginie Efira joue Virginie Efira et n'hésite pas à se ridiculiser aux côtés de Franck Dubosc, Michaël Youn, Pascal Obispo et Florent Pagny : "C'était la première fois que je faisais quelque chose qui me plaisait à ce point, et j'étais fière lorsque l'on venait m'en parler. La Nouvelle Star, je m'en foutais, qu'on me parle de Julien Doré oui, mais moi, je disais bien les numéros de téléphone ok..."
Ces dernières années, le cinéma lui fait les yeux doux. Après Le Siffleur, L'amour c'est mieux à deux et La chance de ma vie, Virginie Efira sera la soeur d'Alice Taglioni dans le drame Cookie de Léa Fazer, et vient de s'illustrer dans A la maison pour Noël. Elle a co-produit ce téléfilm comique sur une jeune femme moderne qui règle sa vie au millimètre près : "C'est très excitant de réfléchir au réalisateur, aux partenaires, c'est passionnant de partager une vision du monde et de l'humain."
Discrètement mais certainement, Virginie Efira délaisse la présentatrice : "C'est très récemment que je me suis dit qu'avoir été animatrice m'avait servi pour la comédie. Avant, pas du tout." Pour une jolie fille qui veut être prise au sérieux comme actrice, le chemin est naturellement semé d'embûches et d'a priori. Un peu comme les mannequins ? "Mannequin, c'est plus simple. C'est moins ringard que faire de la télévision."
Mais Virginie Efira n'est pas amère : "Je suis très heureuse de faire du cinéma, ça reste mon premier désir ! On me propose plus de comédies, et c'est normal. Je ne trouve pas que la comédie soit un costume dégoûtant. J'adorerais être à un autre endroit dans le processus de création, j'y pense de plus en plus."
En guise de conclusion, l'actrice confie avec un véritable plaisir ses derniers coups de coeur ciné : "Tête de boeuf de Michael R. Roskam : hallucinant, une maîtrise digne de Stephen Frears et Scorsese, avec le génial Matthias Schoenaerts, qui est dans le Audiard avec Marion Cotillard. Une bouteille à la mer avec Agathe Bonitzer : un sujet difficile qui évite tous les écueils et les violons. Et les choses communes : Drive , forcément. Kavinsky (qui a composé l'un des titres phares du film), j'adore. Surtout que je ne suis pas fière de moi : je l'avais entendue avant, j'avais pas accroché. Maintenant, j'écoute tout le temps, comme tous le monde." De quoi imaginer croiser son joli sourire dans la salle de cinéma de son quartier.
Geoffrey Crété