En fait, Vladimir Cosma n'est pas compositeur de musique de film. Il est tellement plus. La partition a depuis longtemps quitté la pellicule pour investir la vie, la vie privée du public. Dans la culture populaire, le maître mélodiste de 74 ans, avec plus de 300 succès du cinéma français mis en musique, est l'auteur de pans entiers de la bande-son de millions de vies : chacun a ses morceaux choisis, ses moments de cinéma fétiches entrés au panthéon de ses souvenirs marquants. Une tout fraîche Sophie Marceau s'abandonnant le temps d'un slow (Reality) à la fièvre amoureuse de l'adolescence dans La Boum, la danse de Louis de Funès en Rabbi Jacob (dont les aventures ont même été adaptées en comédie musicale), les péripéties héroï-comiques de ce grand blond de Pierre Richard ou, celles, flamboyantes, de l'As des As Jean-Paul Belmondo... Imaginez que ces musiques si chères au coeur prennent encore plus d'ampleur...
C'est la perspective embrassée par les deux représentations exceptionnelles que Vladimir Cosma s'apprête à donner vendredi 24 et samedi 25 octobre à Paris. Le temps de deux concerts au Grand Rex, le maestro réinventera dans une forme augmentée certains de ses plus grands thèmes (La Boum, Rabbi Jacob, La Chèvre, L'Amour en héritage, Le Grand blond..., Le Dîner de Cons, La Gloire de mon père, etc.) ainsi que certains mouvements des opéras qu'il a composés (en particulier Marius et Fanny, créé en 2008 à Marseille avec dans les rôles-titres Roberto Alagna et sa compagne de l'époque, Angela Gheorghiu). "Le fait de jouer sur scène, explique-t-il et se réjouit-il, me permet de reconstruire mes propres compositions. C'est une approche stimulante et nécessaire de mon travail. Depuis longtemps, après chaque film, je réécris mes musiques sous forme d'oeuvres instrumentales, de suites symphoniques, de concertos... La musique de film, c'est l'art de la concision. Le thème, la couleur doivent s'imposer tout de suite en quelques secondes. J'avais envie de développer, de construire dans une forme plus ample, tout ce matériel qui est né grâce au cinéma."
Le mythique temple parisien du cinéma, qui sait aussi se transformer occasionnellement en scène musicale, accueillera le compositeur et orchestrateur avec ses complices de choix et de poids : l'Orchestre National de Belgique, un grand choeur et des invités spéciaux, à l'instar de la chanteuse Natasha St-Pier, l'aideront en effet à créer la nouvelle vie de ces "partitions en images", selon sa formule, bientôt 50 ans après que Michel Legrand lui eut mis le pied à l'étrier et qu'il eut composé sa première musique de film, Alexandre le bienheureux, pour Yves Robert. "Grâce au cinéma, observe celui qui a par la suite eu le bonheur d'oeuvrer pour Oury, Zidi, Pinoteau, Veber, Mocky ou encore Molinaro, mes thèmes sont gravés dans les mémoires et le public peut d'autant plus les apprécier lors de leur exécution en dehors des films. Le 7e art a remplacé les anciennes formes de spectacle comme les musiques de scène, les ballets et l'opéra. Sans Diaghilev et les Ballets russes, Le Sacre du Printemps ou Daphnis et Chloé n'auraient pas existé. Idem pour La Strada de Nino Rota ou La Panthère rose d'Henry Mancini, qui n'auraient pas existé sans Fellini et Blake Edwards."
L'une des signatures de Vladimir Cosma ? Le détail essentiel. "Il faut toujours trouver le petit quelque chose, l'idée, le timbre, la couleur qui personnaliseront le film. Par exemple, la flûte de Pan dans "Le Grand Blond avec une chaussure noire" ou encore le bruit des vagues et le cri des mouettes dans "Un éléphant ça trompe énormément". C'est comme le parfum d'une belle femme, l'alchimie de deux éléments. Parfois, leur fusion devient magique, évidente." Largement tourné vers les concerts symphoniques ces dernières années (c'était le cas le 23 mars 2013, déjà au Grand Rex, et son premier violon se nommait... Anne Gravoin, Mme Manuel Valls), l'ami de nombreux cinéphiles, parangon vertueux d'une musique qui "se doit d'être populaire et savante", est prêt à faire ses tours de magie en live et en grand.