"Au fait, on va vous livrer un scoop. On a rediscuté, et on en est sûr à présent : Yannick a été conçu à Londres..." Cette petite phrase, lâchée au Parisien par les parents de Yannick Agnel, pourrait prêter à sourire.
Mais avec la performance du jeune prodige de la natation française, c'est une tout autre signification que prend cette histoire. Car Yannick Agnel, nageur de l'Olympic Nice, s'est brillamment qualifié pour les Jeux olympiques de Londres cet été en s'imposant sur le 100 mètres nage libre, l'épreuve reine de la discipline. Le jeune loup de 19 ans, qui s'était déjà imposé sur le 200 mètres nage libre quelques jours plus tôt à Dunkerque où se déroulent les Championnats de France de natation, a devancé de prestigieux concurrents dans une course extrêmement relevée. Fabien Gilot, qui l'accompagnera à Londres, mais aussi Amaury Leveaux, Frédérick Bousquet et... Alain Bernard, champion olympique en titre qui ne pourra donc pas défendre son titre cet été.
"Je vais pouvoir partir m'amuser à Londres. Je savais que je pouvais faire quelques chose de grand. Cela fait quand même un petit moment que j'attendais", déclarait tout sourire le grand (2,01 mètres) nageur qui retrouvera l'un de ses partenaires de club, Clément Lefert, troisième de la course et surprise de ces championnats de France, lui qui était déjà venu prendre la troisième place sur 200 mètres. "Et dire que j'ai failli rater ça, déclarait sa maman Elisabeth au Parisien, en référence à un vol annulé... Quand on le voit comme ça, on se dit qu'il a bien grandi. Malgré tout, il continue de considérer son sport comme un jeu et nous sommes toujours là pour le lui rappeler." Car c'est bien là la force de la nouvelle étoile des bassins. S'amuser et prendre du plaisir dans l'eau, telle est sa devise, lui qui est venu à Dunkerque à peine préparé... Pour autant, le jeune homme reste lucide sur ses performances : "Il faut être réaliste. Il y a un type à près d'une seconde devant. Je me préparerai à fond et on verra." Ce type, c'est l'Australien Magnussen, qui a réalisé un extraordinaire 47''10 sur la distance, contre 48''02 pour Yannick Agnel.
Mais pour le moment, le jeune Niçois savoure et se prépare à passer un petit week-end en amoureux dans les rues de la capitale...
La tristesse d'Alain Bernard
Et si Yannick Agnel sourit, tout comme l'autre révélation, version féminine, cette fois-ci, Camille Muffat, c'est loin d'être le cas du grand perdant de cette course. Le champion olympique en titre de la distance, Alain Bernard ne pourra donc pas défendre son titre à Londres. L'Antibois a terminé cinquième du 100 mètres en 48''97, loin du vainqueur qui a eu une petite pensée pour lui - "C'est dommage de ne pas le retrouver en individuel quatre ans après". Pour autant, et malgré la déception légitime, Alain Bernard assume une course ratée : "Je n'ai pas nagé assez vite, c'est tout. Ça fait partie du jeu."
Amer et déçu, celui qui a un temps détenu le record mondial sur la distance reconnaît la supériorité de ses adversaires : "Les autres ont été meilleurs sur cette course, on ne peut pas le cacher. (...) Je ne vais pas cacher que la déception est grande." Et si l'homme tente de rester digne, assurant qu'il jouerai son rôle dans le relais 4x100 mètres dont il fait partie, l'émotion reste difficile à dissimuler. "Être sportif de haut niveau, ce n'est jamais un long fleuve tranquille. Je vais tout faire pour tenir mon rôle de relayeur le mieux possible."
"Celle-là, je ne l'ai pas vue venir, confiait son coach depuis treize ans, Denis Auguin. Ce matin, il était détendu. Il a fait un bon échauffement. (...) Je ne pense pas que ce soit un problème de volonté, ni à l'entraînement ni au quotidien. Ce que je lui ai dit, c'est que depuis treize ans j'étais fier de lui tous les jours et que ça n'efface rien. Voilà, je suis très fier de lui, et même ce soir."
Une passation de pouvoir émouvante qui marque l'arrivée de la jeune garde dans les bassins...