Après les films d'animation Les Triplettes de Belleville et L'Illusionniste, le réalisateur Sylvain Chomet change d'univers et fait son premier film en prises de vues réelles, Attila Marcel. Une comédie mélancolique qui possède une foule de personnages attachants et originaux qui sont issus de l'imagination si riche du cinéaste. Devant sa caméra, Guillaume Gouix, qui joue à la fois le héros et son père : pianiste muet depuis la mort de ses parents d'une part, et un lutteur sur le ring de l'autre. Un rôle audacieux pour le jeune comédien qui donne la réplique à Anne le Ny en femme fantasque qui va lui ouvrir les yeux, et un duo truculent de comédiennes pour former ses deux tantes : Hélène Vincent et Bernadette Lafont, qui nous a brutalement quittés en juillet. Purepeople.com a rencontré le réalisateur, Guillaume Gouix et Hélène Vincent pour ils nous ont conté les dessous du tournage, marqué par l'absence aujourd'hui d'une grande dame.
La genèse du film
Sylvain Chomet a eu un flash, un titre, qui a surgi dans son esprit : Attila Marcel : "Je l'ai écrit sur un bout de papier. J'avais l'impression de 'déjà-vu'. Mais c'est bien, j'avais déjà un titre. C'est angoissant de ne pas en avoir un. J'ai ensuite écrit la chanson Attila Marcel, pour Les Triplettes de Belleville [une parodie des chansons d'époque à la Edith Piaf]. Cette chanson a été reprise sur Youtube, beaucoup au Québec. J'ai vu une chanteuse grecque faire ça sur scène. Puis j'ai rencontré la productrice Claudie Ossard pour faire un dessin animé pour l'un des segments de Paris je t'aime. La mise en place a été longue et compliquée et finalement, j'ai proposé de le faire en prises de vues réelles. Et j'ai adoré ce tournage. Alors je lui ai parlé de mon projet de long métrage, j'avais déjà la musique, le titre. Ça lui a plu et voilà. Le film est très riche parce qu'il a beaucoup germé."
La comédienne Hélène Vincent a eu envie de participer à cette aventure après avoir vu les précédentes oeuvres de Sylvain Chomet : "J'avais vu Les Triplettes et L'Illusionniste, j'avais adoré les films et avais été touchée par la tendresse, la mélancolie et la poésie de Sylvain. Et puis, il y a aussi la singularité de la proposition qui m'a donné envie de participer." Guillaume Gouix citera lui sans hésiter Sylvain Chomet : "Il est sans compromis avec ce qu'il a envie de faire, il s'en fiche des modes. Je me suis senti invité dans un film, comme s'il m'avait dit : 'Viens voir chez moi comment c'est'."
L'absente
Le film Attila Marcel est devenu le dernier film de Bernadette Lafont, morte le 25 juillet à 74 ans après une si riche carrière. Pour Guillaume Gouix, elle restera une "adolescente de 70 ans, une sale gosse de 70 ans". Helène Vincent acquiese : "Bernadette avait gardé l'insolence qu'on a quand on est adolescente, et cette insolence est l'expression d'une liberté d'être et de penser rare à cet âge. On était quasiment du même âge toutes les deux. Sa vie n'a pas toujours été simple, sa carrière non plus, mais elle était gourmande de la vie, du coup sa mort nous a fracassés." Guillaume Gouix ajoutera : "Elle est morte vivante. Ce film, c'est une fin en bulle de champagne. Je ne sais pas si elle croyait en quelque chose mais les anges doivent se fendre la gueule là-haut avec elle."
Le réalisateur Sylvain Chomet ne tarira pas d'éloges lui non plus en parlant de Bernadette Lafont : "Quand au casting, on m'a dit 'Bernadette et Hélène sont d'accord', j'étais ravi, mais j'avais peur car c'était la première fois que je travaillais avec de véritables acteurs. Et puis je l'adorais comme actrice. Même dans un film chiant, il y avait Bernadette de toute façon. C'était quelqu'un de nature et les gens l'aimaient vraiment. Notre première rencontre a eu lieu dans le bureau de Claudie [Ossard, sa productrice], je n'osais pas la regarder. J'étais terrorisée, parce que c'était Bernadette Lafont. Puis elle s'est tournée vers moi et elle m'a souri. Elle avait un sourire qui débordait de son visage. Elle m'a mis tout de suite à l'aise. Sur le tournage, elle était très sérieuse. Avec ses origines cévenoles , le travail c'était très important. Bernadette Lafont nous a ensuite invités chez elle, j'y suis allé avec femme et enfants. Mon fils de 5 ans est tombé amoureux d'elle, complètement. C'était quelqu'un qu'on aimait beaucoup. J'ai eu de la chance comme tout ceux qui ont travaillé avec elle, François Truffaut, Jean Eustache... Que serait La maman et la putain sans Bernadette Lafont ?"
Pour le réalisateur, l'un des plus beaux moments du tournage restera certainement les scènes faites à Trouville, avec Bernadette Lafont et Hélène Vincent : "Je voulais vraiment que les tantes se lâchent, y a rien de plus drôles que les gens austères qui se lâchent. Elles ont fait ça en deux prises. Nous, on était morts de rire, heureusement qu'on était loin. Les acteurs qui étaient juste derrière elle avaient du mal aussi. Ça, c'est un très beau souvenir."
Attila Marcel et après ?
Les deux acteurs ont un agenda toujours bien rempli. Du côté d'Hélène Vincent, ce sera Samba, avec Omar Sy et Charlotte Gainsbourg : "Je jouerai dans le prochain film d'Olivier Nakache et Eric Toledano, je vais rejoindre leur famille. Je dis leur famille car ils ont l'air d'être assez fidèles à un certain nombre de personnes et je suis vraiment ravie de l'intégrer. Je sais qu'ils ont essayé de travailler avec moi deux fois de suite mais je n'étais pas disponible, j'étais au théâtre, et je leur suis reconnaissante de leur fidélité."
Guillaume Gouix a le plaisir d'être en tournage avec Gilles Lellouche, Jean Dujardin et Benoît Magimel dans La French. Il a également participé à Homo Sapiennes (titre provisoire), le film d'Audrey Dana au casting cinq étoiles : "J'ai tourné avec beaucoup de grandes actrices. Mais les choses sont impressionnantes quand les gens les rendent impressionnantes. Je jouais tous les jours avec Géraldine Nakache, Alice Taglioni, Marina Hands, Isabelle Adjani, Audrey Fleurot, Alice Belaïdi ... Je joue surtout avec Géraldine, et c'est un peu elle le fil rouge des histoires, elle croise plusieurs personnages. Et je commence un téléfilm Arte, Les Pilules bleues (Frederik Peters) avec Florence Loiret-Caille. [...] Je suis crevé [rires] ! "
De belles carrières qui se poursuivent ou s'affirment avec talent. Hélène Vincent, assumant tout son parcours, même si certains (peu) films auront servi à faire "bouillir la marmite", aura quelques conseils pour son jeune partenaire, bientôt âgé de 30 ans : "Je lui dirais une chose que j'ai dite à Raphaël Personnaz que j'aime beaucoup aussi : être curieux, exigeant, se méfier du succès et de s'en référer toujours au scénario. Un travail paresseux au niveau du scénario donnera rarement un film qui ne soit pas paresseux lui aussi. Et se méfier du succès car ce métier est un bouffeur de chair fraîche sans pitié."
Interview exclusive, ne pas reprendre sans la mention Purepeople.com
"Attila Marcel", en salles le 30 octobre