On ne présente plus Nana Mouskouri. La chanteuse de 89 ans a une carrière longue comme le bras et compte plus de 1550 chansons à son actif et des millions d'albums vendus. Ces exploits, elle n'aurait sans doute pas pu les réaliser sans sa voix mythique et son allure reconnaissables entre mille. Chevelure brune en carré long, robes de scène inoubliables, dont elle a même fait une exposition, et surtout lunettes à grosses montures vissées sur le nez qu'elle ne quitte jamais... La renommée de Nana Mouskouri est un tout à côté duquel elle aurait pu néanmoins passer si elle ne s'était pas écoutée.
Pour la transmission de la flamme olympique de la Grèce à la France au mois d'avril (Laure Manaudou, séparée de Jérémy Frérot, était la première relayeuse dans l'Hexagone), événement qui a eu lieu dans un mythique stade d'Athènes où se sont déroulés les premiers Jeux Olympiques, Nana Mouskouri a été sollicitée. À 89 ans, l'artiste était invitée pour chanter les hymnes français et grec. Un véritable honneur qu'elle a bien évidemment accepté : "J'avais les larmes aux yeux. Des larmes de joie. [...] Je suis née, j'ai grandi en Grèce, mais c'est grâce à la France que j'ai pu avoir une carrière aussi longue. Alors je n'ai pas pu, à ce moment-là, ne pas penser à mes débuts" fait-elle savoir dans une interview accordée au magazine Le Point ce jeudi 23 mai.
C'est donc avec beaucoup d'émotion que Nana Mouskouri s'est remémorée ses débuts dans la chanson. Des opportunités qui ne se seraient jamais présentées sans l'aide de personnes très importantes dans sa vie : "Louis Hazan, qui dirigeait le label Philips dans les années 1960, m'a repérée très jeune. Ensuite, il y a eu Gérard Davoust et André Chapelle, mon mari et producteur, que je ne remercie jamais assez. Ils ont tous respecté ma différence. Je venais d'un petit pays abattu après des années de guerre civile et mon physique n'était pas celui d'une pin-up de l'époque..."
En parlant de physique justement, Nana Mouskouri n'a pas caché que son accessoire fétiche, ses lunettes à grosses montures, n'avaient pas vraiment fait l'unanimité au départ : "Ça a fait toute une histoire. Quand je suis arrivée aux États-Unis pour travailler avec Quincy Jones sur l'album In New York, on m'a demandé de poser en couverture de l'album sans mes lunettes. Et ce n'était plus moi !"
Ne plus les porter relevait de l'impossible pour la timide Nana Mouskouri : "Mes lunettes, c'est le masque avec lequel j'entre en scène, comme les actrices de la comédie ou de la tragédie grecques. Elles sont aussi une arme qui m'a toujours permis de cacher mes émotions, mes craintes, pour ne laisser filtrer de moi que ma voix." A tous ceux qui lui conseillaient donc de ne pas les porter, Nana Mouskouri ne les a pas écoutés, et elle a bien fait : "Aujourd'hui, voir que les jeunes portent les mêmes lunettes que moi, ça m'attendrit." Toutes les personnes approchant les 90 ans ne peuvent effectivement pas en dire autant...