Dans son édition du jeudi 20 juillet 2023, Le Monde continue son feuilleton consacré à Gérard Depardieu. L'épisode s'attarde sur la collaboration intense entre l'acteur, désormais au centre d'accusations d'agressions sexuelles, et le cinéaste Maurice Pialat. Les deux hommes signeront ensemble quatre films, parmi lesquels Police, sorti en 1985 et un des plus gros succès commercial de l'artiste. Un score qui n'est pas sans lien avec la présence au casting d'une certaine Sophie Marceau, à peine majeure et que la France entière connaît à l'époque pour avoir tourné dans La Boum 1 et 2. Le Monde a compilé les réflexions de l'actrice aujourd'hui âgée de 56 ans sur son travail avec Pialat et Depardieu et elles sont sidérantes.
Ce n'est pas la première fois que Sophie Marceau tourne avec Gérard Depardieu quand elle accepte de tourner Police, ils ont déjà collaboré ensemble dans Fort Saganne d'Alain Corneau un an auparavant. Elle n'a pas le souvenir des gestes déplacés du monstre sacré sur ce premier tournage. "Il faut dire que Corneau tenait ses équipes. Et puis, Depardieu était dans le personnage : l'armée, le désert... Il se tenait", analyse-t-elle dans Le Monde. Dans Police, avec Maurice Pialat qui a noué avec lui une relation fusionnelle avec l'acteur français, les choses sont différentes. Dans Télérama pour la promotion du film, Gérard Depardieu ne fait pas dans la demi-mesure sur le personnage incarné par sa jeune partenaire : "Une môme de 17 ans, une mythomane dont le corps n'a déjà plus rien, qui ne sait pas ce que c'est que de jouir, qui passe à côté de tout."
Le Monde précise l'ambiance de tournage difficile, avec de vrais voyous qui font circuler la drogue comme figurants. Sophie Marceau se réfugie dans sa loge à chaque prise mais ne peut éviter les humiliations de son célèbre collègue, à l'image de son ami et réalisateur. "Juste avant une séquence où ils sont très proches dans une voiture, il a pris soin de manger des escargots afin d'imposer à sa partenaire son haleine putride. Et puis, dans les scènes de lit, sous les draps, surviennent les mains, insistantes, omniprésentes, inutiles et invisibles à la caméra", lit-on dans le quotidien. Le souvenir du tournage de Police par Sophie Marceau est clair : "Il n'a jamais osé me toucher devant l'équipe, sinon il aurait reçu mon poing dans la gueule. Mais avec les pauvres habilleuses..." Cependant elle a subi aussi, comme ces gifles écrites dans le scénario qu'elle reçoit véritablement : "Après avoir subi de multiples claques, n'en pouvant plus, l'actrice éclate en sanglots."
Il faut qu'il bouffe tout et tout le monde.
À l'époque, dénoncer les violences qu'elle a reçues sur le tournage passe inaperçu, on la voit comme une actrice du cinéma populaire qui se plaint de la vérité du cinéma d'auteur. Dans Society trente ans plus tard, la comédienne qui a toujours été franche et droite dans ses bottes disait déjà ce que l'on entend aujourd'hui : "C'est un prédateur, Depardieu, il faut qu'il bouffe tout et tout le monde." Son analyse de la dynamique du "duo infernal" formé par Pialat-Depardieu résonne particulièrement avec #Metoo et les affaires qui concernant Gérard Depardieu : une époque où "le réalisateur et l'acteur principal peuvent se permettre, sans que personne ne dise rien dans ce monde ultra-hiérarchisé du cinéma, des comportements considérés ailleurs comme inadmissibles".