Le drame qui s'est produit à Annecy a bouleversé toute la France. Interviewé par le Parisien, Guillaume Mortamet, chef adjoint du service de réanimation pédiatrique au CHU de Grenoble (Isère), s'est souvenu de cette journée particulièrement difficile qui le marquera à vie. Ayant pris en charge trois des quatre enfants grièvement blessés au couteau : Ettie, Ennio et Alba, âgés de 2 à 3 ans, le médecin raconte comment il a géré cette journée hors norme. Il se souvient particulièrement de la prise en charge de la fillette qui avait "un peu partout", "des lésions plus complexes", et dont le pronostic vital était clairement engagé.
Devant être transporté en urgence par hélicoptère, il raconte : "Ma plus grande crainte, c'était qu'elle décompense dans l'hélicoptère ou qu'elle saigne à nouveau. C'est un moment très risqué : les tuyaux et les perfusions peuvent s'arracher. La surveillance est limitée à bord, la communication impossible à cause du bruit. Je ne la lâche pas. Je ne me pose pas la question de si elle va vivre ou mourir. Chaque minute qui passe est une de gagnée. Des images m'arrivent par flashs : celles du parc où l'attaque a eu lieu, j'y suis allé avec mes enfants. À côté de moi, la petite fille est inconsciente mais je lui parle tout le temps, je lui caresse les cheveux, en répétant : 'Sois costaude, bats-toi, on va y arriver.'"
L'espace d'un instant, je pense à mes enfants
Maintenant que "tous les enfants sont hors de danger", le médecin a aussi accepté de se confier sur le déroulé du drame, notamment lorsqu'il a appris la terrible nouvelle. "Il est environ 10 heures ce jeudi, je relis le dossier d'un patient dans mon bureau avec une collègue réanimatrice quand son téléphone sonne. C'est l'équipe de déchocage, l'unité chargée des urgences vitales à l'hôpital. Une attaque vient d'avoir lieu, plusieurs enfants seraient impliqués et certains vont arriver chez nous : ils ont besoin de renfort. Sur le coup, je crois qu'il s'agit d'un exercice. Mais ma collègue me dit : 'Non, il faut y aller tout de suite'. L'espace d'un instant, je pense à mes enfants de 2 et 4 ans, qui ont le même âge. Mais je me reconcentre aussitôt".
On n'est jamais préparé à affronter un tel drame
Ce qu'on lui indique ? "Que des tout-petits de 2-3 ans ont reçu des coups de couteau. On ignore combien ils sont et la gravité de leur blessure.". Immédiatement le réanimateur met ses sentiments de côté pour être efficace au maximum. "Quand je monte dans l'hélicoptère, je comprends que je me souviendrai de ce jour toute ma vie. Même si on est habitués à prendre en charge, presque tous les jours, des urgences vitales, c'est la première fois que j'interviens sur une attaque au couteau chez de si jeunes enfants. Généralement, il s'agit d'adultes ou d'adolescents. Ce qui est aussi inédit, c'est qu'il y en ait autant et dans un état si critique. J'ai beau essayer de faire abstraction du contexte, je suis ému. On n'est jamais préparé à affronter un tel drame." admet-il.
Désormais sortis d'affaire, les enfants peuvent remercier leurs anges gardiens ayant réussi à les sauver. "Les enfants sont toujours en réanimation. Ils devraient rejoindre un autre service de l'hôpital dans quelques jours. Puis ils rentreront chez eux. Une longue reconstruction les y attend. Mais on a réussi à les sauver. C'est la plus belle des satisfactions", a-t-il conclu avec beaucoup d'émotion.