Il se trouvait au Petit Cambodge ce soir du 13 novembre 2015, l'un des lieux touchés par les terribles attentats. Alors qu'il était en terrasse avec sa soeur Alice et des amis, Aristide Barraud n'est pas ressorti indemne de cette dramatique soirée, loin de là. Faisant le bouclier pour protéger sa soeur, l'ancien joueur de rugby de 28 ans a pris trois balles de kalachnikov. L'une lui a touché ses côtés et perforé un poumon, une autre a atteint sa cuisse tandis que la dernière a causé le plus de lésions en explosant en fragments lorsqu'elle a pénétré son talon d'Achille et son mollet gauche. Très rapidement pris en charge par un sauveur pas comme les autres, Serge Simon – ex-rugbyman du Stade français, consultant pour France Télévisions et surtout médecin de formation –, il s'en est miraculeusement sorti. Son soigneur lui a prodigué les premiers soins comme il l'avait raconté dans son récit bouleversant. Près de deux ans après cette soirée qui a bouleversé à jamais sa vie, Aristide Barraud sort un livre, Mais ne sombre pas (éditions du Seuil), dans lequel il revient sur son long combat.
Ma tête est partie en couilles
Rugbyman professionnel avant la tragédie, occupant le poste de demi d'ouverture dans l'équipe de Mogliano (près de Venise et en Excellence, la Première Division italienne), l'ex-joueur du Stade français était revenu au plus haut niveau après une longue convalescence. Malgré sa force immense et sa détermination, il avait annoncé l'arrêt de sa carrière dans une poignante lettre ouverte. Aristide Barraud revient plus en détails sur les raisons de son retrait pour L'Equipe. "Je me suis réentraîné fort. Mon corps n'a pas suivi. Jusque-là, je ne l'avais jamais écouté. Il a commencé à se manifester par des voies bizarres", explique-t-il. Des manifestations parfois intenses et extrêmes, physiques et psychiques : "Des maladies, des petites fièvres qui se transformaient en grippe comme je n'en avais jamais eu. (...) Ma tête est partie en couilles, j'ai fait des pas dans la folie. Je suis même retourné dans des zones difficiles que j'avais atteintes en réanimation, des moments où tu n'es plus toi-même. Tout ça m'a fait peur."
Aristide Barraud prend conscience de l'ampleur de son mal-être un jour, quand il perd littéralement le contrôle de lui-même. Après s'être simplement cogné un petit doigt de pied contre une porte, il explose après être tombé. "Quand je me suis levé, une colère est sortie : j'ai fracassé mon appart", se souvient-il. Un dérapage incontrôlé qui lui a fait prendre conscience que son obsession de vouloir renouer avec le haut niveau ne le sauvera pas. "Ce chemin m'a mené jusqu'à l'acceptation", positive-t-il.
Tous les jours, j'ai mal...
Malgré l'arrêt du rugby, les douleurs sont toujours présentes. "Tous les jours, j'ai mal... à la tête à cause de tout le sang perdu et des produits qu'on a mis dans mon corps, à la cheville, aux côtés où je ressens parfois un courant électrique refaisant le chemin de la balle", énumère l'ex-sportif. Autant de douleurs qui ne lui permettraient pas d'aller au contact sur la pelouse : "Pour mener une vie normale ça passe. Sur le terrain, je me ferais fracasser."
Aristide Barraud continue d'ailleurs de garder ses distances avec ce sport qui l'a pourtant tant fait vibrer mais qu'il n'arrive presque plus à regarder. Le jeune homme originaire de Massy (Essonne) compte retourner vivre en Italie mais refuse, pour l'instant, toutes les propositions qui lui sont adressé. "J'ai décidé d'en rester à l'écart pendant trois ans, malgré des offres de contrat comme manager ou entraîneur en Italie", confie-t-il, heureux d'avoir échappé au pire. "J'ai choisi de considérer les attentats et l'arrêt du rugby comme des moments de renaissance", conclut-il l'interview.
L'intégralité de l'interview d'Aristide Barraud est à retrouver dans L'Equipe en kiosques le 19 octobre 2017.