Privé d'Euro, Karim Benzema n'a guère fait parler de lui depuis la fin de la saison 2015-2016 qui l'a vu remporter la Ligue des Champions avec son club du Real Madrid. Certes, son soutien aux Bleus puis... ses félicitations à leurs bourreaux portugais n'ont laissé personne indifférent, mais le buteur l'a jouée profil bas, profitant de moments de détente (notamment avec sa fille Mélia, 2 ans) avant de retrouver les Merengue pour une tournée de reprise au Canada où il a pu vérifier - d'une manière un peu invasive - sa cote de popularité.
Lundi 1er août, le nom de l'avant-centre est pourtant revenu au centre de l'affaire de la sextape impliquant Mathieu Valbuena. Alors que le milieu de terrain de l'OL passe lui aussi un été en toute discrétion - tout juste a-t-il démenti au micro de Canal+ les rumeurs d'un départ de Lyon -, le témoignage d'un des principaux protagonistes du dossier, produit en exclusivité par le quotidien L'Equipe, jette un nouveau pavé dans la mare.
Mustapha Zouaoui, alias Sata, l'un des maîtres-chanteurs présumés dans l'affaire de la sextape, s'adonne dans les colonnes du journal sportif - qui l'a rencontré le 24 juin juste avant qu'il soit à nouveau placé en garde à vue pour avoir enfreint son contrôle judiciaire - à un grand déballage. Un déballage à prendre avec des pincettes, tant l'intéressé est "une anguille qui fraye dans les bas-fonds du foot" et a "souvent menti lors de ses premières auditions". Libéré de prison en février dernier après avoir été incarcéré en octobre 2015 suite à sa mise en examen pour "chantage et participation de malfaiteurs", ce personnage fameux du quartier de la Gavotte à Marseille et proche à un moment de Samir Nasri donne sa version des faits, haute en couleur et sulfureuse.
Sata commence par le commencement, à savoir la découverte en mars 2015 de l'existence de la sextape via Axel Angot, "le gars à tout faire" de Mathieu Valbuena, un pro de l'informatique avec qui il a créé une société de conciergerie il y a une dizaine d'années. Comme l'enquête l'a déjà révélé, l'informaticien a récupéré ladite vidéo, qui date d'avant le départ de l'international français pour Moscou (août 2014), lors d'une intervention sur son matériel : "Axel récupère tout, ce n'est pas la première vidéo intime de joueurs, il en a déjà eu plein", assure Zouauoi, un rien blasé. "Ça m'est arrivé de voir des internationaux faire des sextapes devant moi, lâche-t-il au passage. Ils se filment, mais, nous, on est là. On ne se cache pas. Ils ont une confiance absolue en nous. Si on avait voulu piéger des joueurs, on l'aurait fait depuis longtemps. On a eu l'occasion un milliard de fois."
Mustapha Zouaoui raconte ensuite comment Djibril Cissé, à qui il a envoyé une partie de la vidéo pour le faire "rigoler", informe son ami Mathieu Valbuena de son existence - lorsque le Djib' a été sollicité dans le cadre des investigations, Valbuena s'est d'ailleurs dit désolé qu'il ait été entraîné dans cette histoire. La victime ne met pas longtemps à comprendre d'où vient la fuite - "Valbuena dit d'ailleurs dès le début à la police : "je sais qui c'est"." ; quant à Sata, il en parle à Younes Houass, une connaissance qui vit au RSA et "a vu qu'il y avait de l'argent à gagner dans le milieu du foot". C'est lui l'auteur de l'appel téléphonique à Mathieu Valbuena pour le faire payer. Sauf que le joueur de l'OL a déjà mis la police sur le coup : "Younes insistait trop... C'est là que le policier, qui se fait appeler Lukas, entre en scène." Sata rétropédale, Younes menace de les balancer, Axel et lui, l'enquêteur intensifie la pression, le piège se referme... Et Karim Benzema surgit dans l'histoire.
Eh bien, il n'a pas rigolé...
Quelques semaines plus tard, Zouaoui rencontre Benzema à Madrid, pour affaires ("customisation de luxe"), en présence de l'ami de longue date du Madrilène, Karim Zenati. Comme avec Djibril Cissé, Zouaoui prétend avoir divulgué l'histoire de la sextape de Mathieu Valbuena pour amuser la galerie. "Eh bien, à ma grande surprise, il n'a pas rigolé. Il l'a vraiment mal pris. Il m'a même lancé : "Tu ne devrais pas rigoler avec ça (...) Je le connais, c'est un mec très fragile. Tu sors un truc comme ça, Mathieu est capable de se suicider"." Sata décrit alors un Benzema "fâché", qui a peur que la vidéo sorte sur Internet et qui ne veut absolument pas en voir ne serait-ce qu'un bout. Karim semble si perturbé par cet épisode que leur business en cours a du plomb dans l'aile ; Sata dit mettre alors la pression sur Zenati et le manipuler pour pousser Benzema, qui n'en a pas envie, à parler à Valbuena.
D'où le fameux épisode de la discussion face-à-face des deux joueurs à Clairefontaine : "Benzema fait une erreur, pour la justice, estime Sata. Il ne dit pas à Mathieu : "Je connais le mec qui possède ta vidéo", c'est-à-dire moi. Pour son image, sa prestance, il ne va pas faire ça. Il dit : "J'ai mon ami (Karim Zenati), il peut t'arranger ça..." Mais ce n'est pas une histoire d'argent, ça ne l'a jamais été. Benzema dit sur les écoutes : "Valbuena ne me prend pas au sérieux". Les policiers ont pris ça pour la déclaration d'un caïd. Alors qu'il voulait aider Valbuena... Il lui a parlé comme ça dans la chambre à Clairefontaine." Ce n'est pourtant pas ainsi que le perçoit le premier intéressé, qui a chargé le buteur du Real et l'accuse de lui avoir menti.
Les joueurs en général voulaient que la vidéo sorte parce qu'ils n'aiment pas Valbuena
Zouaoui explique encore que Karim Benzema est "grave fâché" contre lui - "Karim ne peut pas l'encadrer et lui reproche cette histoire", confirme un proche des deux hommes - et juge injuste qu'il ait "trinqué" alors que "Cissé a vu cette vidéo, la moitié de l'OM l'a vue, des internationaux qui jouent dans toute l'Europe l'ont vue". Sur sa lancée, il assure même que "certains joueurs qui [ont disputé] l'Euro avec les Bleus" lui auraient préconisé de "sortir" la vidéo et indiqué des journalistes susceptibles d'être intéressés. "Benzema n'a jamais eu la vidéo en main, contrairement à d'autres", assure-t-il, de même qu'il affirme que "les joueurs en général voulaient que la vidéo sorte parce qu'ils n'aiment pas Valbuena". Lui non plus, apparemment : "Valbuena, c'est un crevard, il ne paie même pas un café", balance-t-il plus loin au cours de l'entretien, gratuitement.
Sata, dont les propos sont clairement sujets à caution ("c'est un tordu", assène Djibril Cissé), va jusqu'à affirmer que Mathieu Valbuena aurait simplement enterré l'affaire en contactant Axel Angot s'il ne s'était pas "fait influencer par son avocat, par les policiers qui ont cru qu'ils avaient l'affaire du siècle dans les mains" ! Osé...
En "décryptage" de cette interview que lui a accordée Mustapha Zouaoui, L'Equipe déduit au final qu'il a "eu l'intention, dès le départ, de tirer quelque chose de cette sextape" et indique qu'il "risque probablement d'être renvoyé devant le tribunal correctionnel".
Affaire Benzema-Valbuena, quatre pages d'enquête autour d'un entretien avec Mustapha Zouaoui à découvrir dans L'Equipe du lundi 1er août 2016.