Le 6 octobre 2020, Hervé Temime déclarait à BFMTV : "Je pense que c'est le dernier combat de sa vie..." Le grand avocat parisien de 63 ans, qui vient de sortir le livre Secret défense aux éditions Gallimard, faisait ici référence à son client, Bernard Tapie, rejugé en appel depuis ce lundi 12 octobre pour "escroquerie", après sa relaxe en juillet 2019 dans l'affaire de l'arbitrage qui lui avait octroyé 403 millions d'euros en 2008 pour solder son vieux litige avec le Crédit Lyonnais. "... Et honnêtement, le voir avec autant de courage et de détermination alors qu'il est très affaibli... Il veut assister à chaque minute de son procès, alors que je suis persuadé que si un médecin l'examinait, il lui dirait probablement qu'il n'en est pas capable. À ce niveau-là, c'est, je dois dire, assez étonnant", avait ajouté Hervé Temime.
Depuis plus de trois ans, Bernard Tapie se bat contre un double cancer, de l'estomac et de l'oesophage, qu'il affronte avec une force que très peu d'hommes ont. Il doit notamment faire face à des effets secondaires très violents, alors qu'il suit un traitement expérimental. "Le traitement a des résultats très significatifs quant à leur efficacité sur les tumeurs, mais la difficulté, c'est d'arriver à en supporter les conséquences", avait expliqué l'ancien président de l'Olympique de Marseille en août dernier, lors d'une interview accordée au média belge SoirMag.
Bernard Tapie - qui a marié sa fille Sophie en août dernier à Saint-Tropez - s'est présenté entouré de ses deux avocats, Hervé Temime et Julia Minkowski (la femme de Benjamin Griveaux), à la cour d'appel de Paris. Une arrivée survenue en début d'après-midi. L'homme d'affaires et ancien ministre de 77 ans est apparu très affaibli. Costume sombre, un masque chirurgical sur le visage, il n'a pas fait de déclaration comme le rapporte l'AFP.
Le patron du groupe de médias La Provence est rejugé avec cinq autres prévenus, dont le PDG d'Orange Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Économie Christine Lagarde lors de la mise en place de l'arbitrage. Ce nouveau procès se tient quinze mois après la relaxe générale prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, le 9 juillet 2019. Les juges avaient alors considéré qu'"aucun élément du dossier" ne permettait d'affirmer que l'arbitrage, définitivement jugé irrégulier par la justice civile, avait fait l'objet de "manoeuvres frauduleuses". Le parquet, qui avait demandé des peines de prison contre cinq des six prévenus, dont cinq ans ferme contre Bernard Tapie, avait fait appel. L'ancien patron de l'Olympique de Marseille, qui encourt sept ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics", a toujours nié avoir "volé le contribuable".
En 2008, une sentence arbitrale, un mode de règlement privé, lui avait attribué 45 millions d'euros au seul titre de son préjudice moral en réparation de la "faute" du Crédit lyonnais lors de la revente de l'équipementier sportif allemand Adidas dans les années 1990.
Mais cette décision a été déclarée "frauduleuse" au civil en raison de "liens anciens, étroits et répétés" entre l'un des trois arbitres, Pierre Estoup, l'homme d'affaires et son ancien avocat Maurice Lantourne. Bernard Tapie a donc été condamné à restituer les millions perçus.
Les sociétés de M. Tapie ont été placées le 30 avril en liquidation judiciaire, ouvrant la voie à la vente de ses biens afin qu'il puisse rembourser sa dette, dont le montant est toujours âprement contesté. L'État et le Consortium de réalisation (CDR), l'organisme chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais, sont parties civiles au deuxième procès pénal. La seule personne condamnée à l'heure actuelle dans ce dossier est l'ex-ministre Christine Lagarde. Elle a été reconnue coupable fin 2016 de "négligence" par la Cour de justice de la République, mais dispensée de peine.