C'est un hommage doublement posthume qu'il nous est donné de découvrir fiévreusement : Alain Bashung, puis Noir Désir sont morts, mais ils nous lèguent depuis quelques heures, comme à deux voix, deux âmes, Aucun Express, nouvelle version. Un des sommets et le troisième single du chef d'oeuvre Fantaisie Militaire de Bashung et son complice Jean Fauque, la chanson est revisitée et réinvestie par la voix à jamais écorchée, qu'on lui permette de remonter sur scène ou non, de Bertrand Cantat, pour l'album hommage à Bashung que le label Barclay s'apprête à publier ce 26 avril : TELS.
Deux ans après la disparition tragique, au lendemain de son triomphe poignant aux Victoires de la Musique 2009, du dandy rockeur sublime, sa maison de disques lui rend hommage en conviant un panel éclectique de représentants de la chanson française qui partagent son esthétisme, son spleen, sa profondeur ou son tempérament : outre Noir Désir (avec qui il chanta Volontaire), on retrouve entre autres Gaétan Roussel (son orfèvre sur l'album ultime Bleu Pétrole), Christophe (dont il avait repris Les Mots Bleus pour un disque caritatif dans les années 1990), Vanessa Paradis (pour qui il avait écrit L'eau et le vin), Raphaël (qu'il côtoya sur la tournée des Aventuriers d'un autre monde), dont beaucoup avaient assisté avec une peine infinie à ses obsèques...
Dans un contexte sulfureux, c'est Bertrand Cantat, dont le retour sur la scène artistique par la voie du théâtre provoque une controverse houleuse, qui ouvre le bal, reprenant avec Noir Désir Aucun Express. La version Noir Désir est sensiblement dépouillée, délestée de sa texture sonore de thriller (basse lourde, grincements, échos et bruits de fond à rendre fou contrastant avec des nappes sereines évoquant le Valhalla), mettant l'accent sur cette formidable plénitude - malgré les méandres sentimentaux - de l'originale (1998). Même la voix de Cantat, sobre, s'y dépose avec une forme de délicatesse, guidant cette relecture apaisée. Comme un écho au repos éternel de l'artiste.
Le morceau est dévoilé avec un clip que ne renierait pas le maître et qui reprend un de ses codes essentiels, celui du voyage de la vie, de la condition itinérante de l'homme. Ce n'est pas l'avion de Résidents de la République, c'est le train de Sur un trapèze, qui file au rythme de l'errance, croisant la souffrance nocturne de La Nuit je mens ("je prends des trains à travers la plaine"...).
Une seconde vie troublante - dans la droite ligne des derniers travaux de Noir Dez' avant l'implosion - loin d'être une voie de garage.
TELS, sortie le 26 avril 2011 :
1. Aucun express, Noir Désir
2. J'passe pour une caravane, Gaétan Roussel
3. Madame rêve, -M-
4. Ma petite entreprise, Benjamin Biolay
5. Je fume pour oublier que tu bois, Keren Ann
6. Angora, Vanessa Paradis
7. Volutes, Stephan Eicher
8. 2043, Dionysos
9. Alcaline, Christophe
10. Gaby oh Gaby, BB Brunes
11. Osez Joséphine, Miossec
12. Apiculteur, Raphael
Guillaume Joffroy