A l'occasion de la sortie du film Les Yeux de sa mère, dans lequel Catherine Deneuve joue le rôle phare, l'actrice mythique du cinéma français revient dans le Studio CinéLive du mois d'avril sur une carrière fascinante, et sur une vie qui ne l'est pas moins. La comédienne fait la lumière sur une vie faite de cinéma, qui l'a vue passer de la jeune femme dans Les Parapluies de Cherbourg à la femme fatale dans Belle de jour et à la femme d'âge mûr, désormais, avec Les yeux de sa mère, qui sort ce mercredi 16 mars. Au coeur de ses 50 ans de tournage, Catherine Deneuve a côtoyé plusieurs générations d'acteurs, d'actrices, de réalisateurs. Interrogée par par l'équipe du film de Thierry Klifa, elle donne la réplique, et brille par sa sagesse.
L'instinct et la passion intacts
Pour durer dans ce métier, il faut sans aucun doute une vitalité à toute épreuve, mais ce n'est pas tout. Il faut savoir évoluer, se renouveler, ne pas se laisser enfermer dans une image, car les icônes s'écornent plus vite que les pellicules ne s'abîment. "Il y a un danger pour un acteur à être trop reconnu. On vous cantonne à ce que vous savez faire. Il faut laisser sa curiosité aux commandes". La formule est de Catherine Deneuve herself, et résume tout. Si elle admet que le travail est la base de tout, elle affirme aussi que "l'instinct est une forme d'intelligence nécessaire au métier".
Ainsi, évoluant au gré du temps, de l'expérience, la comédienne est aujourd'hui un monstre sacré des plateaux de tournage, toujours présente, proche "de la fabrication des films". Elle l'a encore été avec Thierry Klifa sur Les Yeux de ma mère, comme le réalisateur l'explique dans l'entretien. Bien entendu, et malgré sa curiosité, l'actrice ne s'autorisait pas ce genre de libertés dans sa jeunesse, auprès des Roger Vadim (dont elle a eu un enfant, Christian), Claude Chabrol ou Luis Bunuel. Si elle a côtoyé les plus grands, Catherine Deneuve déteste par-dessus tout impressionner les autres. Encore une belle preuve d'humilité pour cette dame tatouée (oui, oui, elle arbore un tatouage tribal au bas du cou !).
Les personnes qui l'ont marquée
Elle se dit "timide", mais révèle aussi qu'elle n'a "jamais été impressionnable par la notoriété ou le talent" de quiconque. La seule chose qu'elle concède, c'est que l'échec lui fait du mal. Et cite La Sirène du Mississippi de Truffaut dans ses plus grands regrets, le film ayant été mal reçu à sa sortie en 1969. Dans les compagnons de route, Deneuve ne pouvait pas oublier Depardieu, avec qui elle a tant de fois partagé l'affiche. Pourtant, elle trouve qu'il "dit souvent dit des conneries" lors de ses interviews, par gêne, selon elle. Concernant la nouvelle génération, elle évoque Marion Cotillard, jugeant son parcours international "incroyable", mais aussi "très rare". Enfin, elle glisse un mot sur Nicolas Duvauchelle, son partenaire dans Les Yeux de sa mère. Si elle le voit comme un "acteur épidermique", elle refuse de le comparer une fois de plus à Patrick Dewaere, détournant gentiment la question de son réalisateur.
En parlant de réalisateur justement, elle est à la page ! Quand Marina Foïs lui demande avec quels metteurs en scène étrangers actuels elle aimerait tourner, elle cite Moretti, Bellocchio, et évoque aussi le cinéma américain. Mais, un brin fataliste, elle déclare "qu'il n'y a aucune chance que [le fait qu'elle tourne avec eux] arrive." Dans l'histoire du cinéma français, elle retient Jean Renoir comme le maître incontesté. Les disciples qu'elle choisit sont des hommes avec qui elle a eu la chance de travailler, comme Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, 1964), Jean-Pierre Melville (Un flic, 1972) ou Truffaut (La Sirène du Mississippi, 1969 et Le Dernier Métro, 1980). Mais elle reconnaît aussi certains désaccords avec ce dernier.
La vie privée en avant
Quand Jean-Baptiste Lafargue, son jeune collègue dans Les Yeux de sa mère, la met face à une citation de Truffaut ("Les films sont des trains qui avancent dans la nuit et le cinéma est plus important que la vie"), l'actrice réfute immédiatement : "Je pense que le cinéma n'est pas plus important que la vie. C'était une discussion que l'on avait souvent avec François. Il avait un peu changé d'avis ces dernières années." Liant la parole à l'acte, Catherine Deneuve explique qu'elle "ne met pas tout entre parenthèses quand elle tourne," arguant que cela est impensable lorsqu'on est mère. Rappelons que la comédienne à deux enfants, Christian, fils de Roger Vadim, et Chiara, fille de Marcello Mastroianni.
Malgré une vie plus que bien remplie, l'actrice raffole dans son temps libre des films de Wes Anderson, des frères Farrelly et du cinéma asiatique. Elle cite dans le délirant Borat, Still Life ou encore la filmographie de Kelly Reichardt. De cette dernière, elle dit adorer l'oeuvre "vraiment magique, d'une poésie incroyable." On est obligé de penser qu'elle apprécie également l'oeuvre du réalisateur de Les yeux de sa mère, avec qui elle avait déjà collaboré avec Le Héros de la famille (2006). Au rayon des nouveautés, on retrouvera la comédienne en 2011 dans Les Bien-aimés de Christophe Honoré, et dans le prochain Astérix, encore en préparation. Qu'on se le dise, à 67 ans, Catherine Deneuve est une femme qui a les yeux posés sur l'avenir !
Retrouvez l'intégralité de l'entretien dans le magazine Studio CinéLive d'avril 2011.
Clément Razgallah