Qui d'autre que la reine Elizabeth II pourrait avoir droit à un anniversaire tel que celui-là ? "Merci de nous avoir rendus fiers d'être britanniques" : en quelques mots émus et émouvants, le prince Charles, qui a donné du baise-main à Sa Majesté sa mère venue recevoir sur la scène du concert de son jubilé de diamant, entourant le memorial reine Victoria, une incroyable ovation, a livré la quintessence de l'admiration et de l'affection que tout un peuple porte à sa matriarche.
Lundi soir, c'était soir de fête. Le Mall qui s'étire devant Buckingham Palace était noir de monde (au moins 500 000 personnes) presque comme lors du mariage de William et Kate, pavé de groupies - fans de la reine et fans des artistes au programme du show concocté par le Take That Gary Barlow - qui voulaient voir le palais se parer de couleurs et de fresques rendant gloire aux soixante années de règne d'Elizabeth II. L'ambiance dans le fief londonien de la souveraine avait commencé à chauffer dès l'après-midi avec la tenue du pique-nique du Big Jubilee Lunch, qui s'est déroulé sous de meilleurs auspices météorologiques que la parade fluviale de la veille, et que les princesses Beatrice et Eugenie d'York, la princesse Anne ou encore le comte et la comtesse de Wessex ont animé de leur présence.
Les royaux avaient ensuite rendez-vous avec la reine, pour prendre place à ses côtés dans la loge spéciale surplombant Buckingham aux allures inédites de théâtre de festival. Un siège, à côté d'Elizabeth II, est cependant resté inoccupé : celui de son époux le duc d'Edimbourg, hospitalisé d'urgence lundi après-midi en raison d'une infection à la vessie et privé de la fin des festivités (tout comme il avait été privé de Noël en décembre dernier). Sur la scène, sous les yeux de 12 000 invités privilégiés et de tous les royaux, parmi lesquels des princes William et Harry visiblement survoltés, les plus grands artistes made in United Kingdom (et plus largement made in Commonwealth) se sont succédé pendant près de deux heures : Robbie Williams, qui a allumé le feu en interprétant son très à propos Let Me Entertain You, Sir Paul McCartney, Kylie Minogue, Tom Jones, Elton John, Grace Jones, Annie Lennox, Madness, Cheryl Cole, Will.i.am, Jessie J, JLS, Ed Sheeran... Clou du spectacle : à 22h30, la reine Elizabeth II, arrivée en cours de show dans une robe dorée Angela Kelly ornée de cristaux Swarovski et installée par son fils le prince Charles et sa belle-fille Camilla, allumait, au son de Zadok The Priest (hymne de couronnement d'Handel), elle aussi le feu, celui du dernier des 4 200 fanaux disséminés à travers le monde pour faire briller la flamme de son règne, le second plus long de l'histoire de la couronne d'Angleterre.
"Maman" : L'hommage superbe et émouvant du prince Charles à la reine
Si les performers réunis par Gary Barlow ont été à la hauteur de l'événement et ont porté la liesse à un niveau d'intensité maximal, le prince Charles est responsable d'un grand moment d'émotion, lorsqu'il a pris la parole en clôture de concert pour un discours attendu et désormais gravé dans les annales : "Maman", a-t-il commencé avec délectation, aussitôt interrompu par une formidable clameur venant d'en bas tandis que la reine souriait d'un évident plaisir.
Le prince de Galles a marié les tonalités à la perfection, débutant son speech par une de ces blagues dont il est coutumier, à propos de la météo pourrie de la veille et meilleure du jour : "Si je puis dire, merci mon Dieu que cela se soit arrangé ! C'est évidemment parce que je n'ai pas présenté le bulletin météo", a-t-il plaisanté en faisant allusion à sa récente performance de Monsieur Météo dans les studios de la BBC à Glasgow. Puis son allocution a pris un tour très touchant, lorsqu'il a déploré l'absence de son père le prince Philip, admis lundi après-midi à l'hôpital Edward VII : "La seule chose triste, ce soir, c'est que mon père ne puisse être ici avec nous, puisque, malheureusement, il s'est trouvé mal." Et tandis que la foule applaudissait à tout rompre comme pour galvaniser le duc d'Edimbourg, Charles enchaînait : "Si nous crions suffisamment fort, peut-être nous entendra-t-il depuis l'hôpital."
Puis il s'est consacré à l'hagiographie de sa mère la reine Elizabeth II, sa vie, son oeuvre : "Un jubilé de diamant est un événement très spécial, certains parmi nous ont eu le bonheur de célébrer trois jubilés avec vous, et j'ai les médailles qui le prouvent. Voilà que nous fêtons la vie et le règne d'une personne très spéciale lors des soixante dernières années. J'avais 3 ans lorsque mon grand-père George VI est décédé, et d'un seul coup, imprévisiblement, votre vie et celle de mon père a changé irrémédiablement. En tant que nation, c'est donc l'occasion pour nous devous remercier, vous et mon père, d'avoir toujours été là pour nous. D'avoir été un modèle pour nous de par votre dévouement aux autres dans votre tâche et votre règne, de nous avoir rendus fiers d'être britanniques." Une petite tirade qui a déclenché une retentissante ovation, à laquelle les princes William et Harry ont apporté leur voix et leurs applaudissements.
Après avoir dit sa fierté de célébrer ce jubilé dans la joie au coeur d'une époque minée par les difficultés, et après avoir rendu grâce au million de spectateurs présents dimanche sur les rives de la Tamise pour acclamer la monarque, le prince Charles, 63 ans et héritier du trône, s'inclinait humblement devant sa mère et baisait tendrement sa main, et réclamait ensuite un triple ban d'anthologie pour elle.
Il ne restait plus qu'à tirer un feu d'artifice mémorable à l'aplomb de Buckingham Palace, s'illuminant majestueusement à la lueur des nuées rouges, blanches et bleues, of course.
Un siège tristement vide à côté de la reine, mais une constellation d'invités et de performers stars
Avant que le prince Charles n'appelle la foule à faire du bruit pour que son père le duc d'Edimbourg en profite depuis son lit d'hôpital, Sir Paul McCartney, chargé de clôturer le concert du jubilé avec trois chansons, avait déjà eu une pensée solidaire pour le prince Philip, jouant devant son siège vide et lui envoyant ses meilleurs voeux de rétablissement.
Tous les autres étaient occupés, par une importante délégation d'invités spéciaux, allant de l'évêque au charpentier. On voyait aussi quelques personnalités rares en public, comme Lady Jane Fellowes, soeur de Lady Di, dont le mari, présent également fut le secrétaire particulier de la reine. Les trois premiers rangs autour d'Elizabeth II étaient largement occupés par les membres de la famille royale : le prince Charles et Camilla Parker Bowles et la princesse Anne avec son mari le vice-amiral Timothy Laurence entouraient la souveraine, eux-mêmes assis à côté de l'archevêque de Canterbury, du prince Andrew, du comte Peel, Lord Chamberlain de la cour ou encore du président de la BBC Lord Patten, qui avaient l'honneur du premier rang. Au deuxième rang, on apercevait le duc et la duchesse de Kent, les princesses Eugenie et Beatrice, le prince William et la duchesse de Cambridge (Kate Middleton était superbe dans une robe Whistles bien plus discrète que celle de dimanche et couverte d'une veste Alexander McQueen), le prince Harry, qui a semblé avec son frère beaucoup apprécier la performance de la très sexy (en tenue Ewa Minge) Cheryl Cole, le prince Edward et sa femme la comtesse Sophie de Wessex, le duc et la duchesse de Gloucester, la princesse Alexandra...
Au troisième rang se trouvaient entre autres les enfants de la princesse Anne, Zara Phillips, avec son époux Mike Tindall et Peter Phillips, avec sa femme Autumn, le vicomte Linley et son épouse Lady Serena avec leur jeune fils Charles, le comte et la comtesse d'Ulster.
De l'entrée tonitruante de Robbie Williams avec une fanfare militaire au final de Sir Paul McCartney, le spectacle était au rendez-vous sur scène autant qu'en tribune. A son terme, tandis que les fumées des feux d'artifice se dissipaient dans l'obscurité, la reine et les membres de la famille royale s'éclipsaient à leur tour pour une "after-party" derrière les murs de Buckingham... Pas trop déjantée non plus : la messe célébrée pour le jubilé de diamant mardi matin requérait qu'ils soient en bonne forme.
G.J.