Il y a un mois, Franck Ribéry scandalisait une fois de plus la presse française en choisissant de boycotter les journalistes hexagonaux, leur répondant crânement en allemand s'ils osaient s'inviter aux conférences de presse du Bayern Munich. Ce 21 mars, il devait les affronter pour faire amende honorable et entériner son retour en sélection nationale, lors d'une conférence de presse à Clairefontaine, le fief des Bleus où il est arrivé dimanche soir. Tout avait manifestement été prévu et cadré : pour l'essentiel, Franck Ribéry a fait lecture d'un long communiqué autour des thèmes du mea culpa et de la nécessité de faire table rase du passé.
Depuis l'affaire Zahia et le fiasco tricolore en Afrique du Sud, les ponts étaient coupés entre les observateurs et l'international français, qui a choqué par sa désinvolture sur et en dehors du terrain en juin 2010, et a été sanctionné pour son rôle dans la mutinerie des Bleus. Mais pour faire son retour en équipe de France, un retour à l'occasion des deux prochaines rencontres des Bleus (face au Luxembourg et à la Croatie) jugé indispensable par Laurent Blanc, mais largement décrié par d'autres et évidemment honni par la ministre Chantal Jouanno - qui n'a pas changé d'opinion sur les cas déshonorants de Patrice Evra et du Kaiser bavarois -, l'ancien Boulonnais était tenu de remettre le contact, de rétablir le courant. Car, si la communication de Laurent Blanc a valu dernièrement au sélectionneur les louanges de Michel Platini, Ribéry a quant à lui toute une relation à reconstruire. Vitale pour espérer retrouver un statut indiscutable en Bleu, et fédérer à nouveau le public.
Et c'est précisément l'un des thèmes qu'il a abordés ce 21 mars 2011, lors de sa première conférence de presse à nouveau en Bleu, lisant mot pour mot un communiqué étonnant distribué avant sa venue (peu après 16 heures, juste après Laurent Blanc) en forme de mea culpa, devant un parterre de journalistes incrédules. Un mea culpa beaucoup plus explicite et apitoyant que celui fait en janvier, dont voici la teneur (source : www.football365.fr) :
"Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, dans les circonstances médiatiquement lourdes et pas évidentes pour moi, de mon retour en sélection, de m'adresser à vous, dans un premier temps, par le biais d'un communiqué.
C'est clair : j'ai connu une année 2010 horrible à tous points de vue. Je ne parlerai même pas des blessures qui ne m'ont pas épargné. Mais dans ma vie privée, dans mon comportement de footballeur, je me suis planté. J'ai pris des mauvaises routes, je me suis perdu. J'ai blessé des gens, des gens qui me sont très chers, j'en ai déçu voire choqué beaucoup d'autres : je m'en veux et je m'en excuse.
J'ai été critiqué, parfois avec raison, parfois à tort ; on a dit et écrit sur moi des choses qui m'ont fait mal, très mal, parce qu'elles étaient excessives ou carrément fausses ; et c'est vrai que j'en ai beaucoup voulu à certains médias. Tout cela m'a poussé à me replier sur moi-même, à me renfermer. Heureusement, je ne lâche jamais, et mon envie de remonter la pente a été la plus forte. Aujourd'hui que mes performances en club me valent à nouveau les honneurs et la joie de la sélection, je veux tourner la page de cette période noire.
Tourner la page pour de bon, définitivement, mais je sais que je n'y arriverai pas tout seul. J'ai besoin du soutien de ceux qui savent par où je suis passé, j'ai besoin de l'affection des miens, mais j'ai besoin aussi qu'on arrête de revenir sur le passé. Et y revenir pour dire quoi ? On s'est mis à la faute, on a mal évalué des situations, les sanctions sont tombées, toutes sortes de sanctions, sportives, humaines et autres : on a payé, c'est normal. Pourquoi nous refuserait-on une seconde chance ? Alors, je vous le dis, je vous le demande : ne me parlez plus du passé. Pour moi en tous cas c'est fini.
Je reviens en Equipe de France avec un plaisir énorme, des ambitions, bien sûr, l'envie, aussi, de rattraper le temps perdu, mais surtout avec beaucoup de modestie et sans prétendre à quoi que ce soit. Même si mon comportement, parfois, a pu laisser penser le contraire j'ai toujours eu le maillot de l'équipe nationale dans le coeur et je ne demande qu'à le servir du mieux que je pourrai et à m'en montrer digne, dans l'esprit souhaité par le sélectionneur.
J'ai eu la grande chance d'être un joueur apprécié et aimé des Français, j'ai beaucoup souffert et je souffre toujours d'avoir perdu cette relation privilégiée avec eux. Je veux la retrouver. Je sais qu'il y aura encore des moments de flottement, sans doute des sifflets, mais je vais tout faire pour y arriver."
Après cette copieuse lecture, quelques questions-réponses expéditives et pauvres d'enseignements, en dehors d'une mise au point vis-à-vis des journalistes, de Yoann Gourcuff, qu'il était accusé d'avoir martyrisé lors du Mondial ("J'ai jamais eu de problème avec Yoann Gourcuff. Ça me plaisait pas qu'on me faisait passer pour le méchant et lui pour le malheureux, j'aurais bien aimé qu'il fasse un démenti..."), et une autre à l'adresse de Chantal Jouanno ("Elle peut dire ce qu'elle veut, c'est Blanc le sélectionneur"). Des moments où les journalistes ont pu vérifier l'indication donnée par Philippe Tournon, le chef de presse de l'équipe de France, pour qui Ribéry était "très tendu".
De l'affaire Zahia et de ses relations avec les médias, on ne retiendra que cette explication à demi-mot : "Ça me fait plaisir d'être ici, ça fait longtemps que je n'ai pas parlé aux journalistes français. J'ai senti de la méchanceté et de l'acharnement contre moi de la part de certains d'entre vous. Ma femme a été touchée. Vous le savez, j'ai eu un grand problème privé avant la Coupe du monde et ce que vous avez dit m'a fait du mal (...) On a beaucoup touché ma femme, et ça c'est pas bien." Franck Ribéry l'a dit : il veut laisser le passé au passé. Le premier pas est fait. La "moindre des choses", selon les termes de Thierry Roland, dans une récente sortie véhémente. Pourvu que l'avenir daigne s'écrire sur le terrain...