Avant la tempête, Gérard Depardieu avait déjà ses blessures. Il n'a pas fallu la controverse née de son exil dit fiscal en Belgique pour que la star française de 64 ans fasse part de ce qui le dérange et l'indigne en France. Dans une interview pour France Culture (l'émission A voix nue), réalisée en novembre dernier, avant l'explosion du scandale Depardieu, le monstre sacré du cinéma se livrait avec sa franchise notoire. On savait qu'il en voulait à l'État pour ce qu'il a fait à son fils, feu Guillaume, qu'il défendait – avant d'avoir un passeport – son affection pour Poutine et sa Russie ou qu'il ne portait pas dans son coeur le gouvernement et notamment le président de la République François Hollande. Le Point dévoile désormais d'autres extraits de cet entretien fleuve et passionnant.
Sur le cinéma, il parle sans tabous. Non pas du salaires des acteurs, mais des distributeurs qui "gagnent toujours plus d'argent et [qui nous] mettent dans des salles dégueulasses" et de la production : "Une salle de cinéma, aujourd'hui, ça me fait chier. Les DVD m'emmerdent, ce que j'aime, ce sont les séries. [...] Je trouve l'écriture de ces séries [...] fascinante. Leur technicité est supérieure au cinéma. [...] Aujourd'hui, tu en as deux mille qui t'arrivent dans la gueule en un flash, c'est devenu un peu des jeux vidéo."
Il écorchera l'État français, lorsqu'il le compare aux États-Unis : "La responsabilité des politiques fait que [l'homme] devient de plus en plus con. J'ai besoin d'admirer en politique, j'admire Obama, même si ce n'est pas facile, mais cette Amérique des républicains, ça fout les jetons. Au moins, Obama a du charisme [...], il n'y en a pas beaucoup comme lui, regardez chez nous." Employant des mots durs, il expliquera : "J'en veux véritablement à l'État, comme je pense que plein d'autres familles peuvent en vouloir à l'État de ne pas pouvoir aimer suffisamment leur enfant, car ils n'ont pas les moyens." Indigné, Gérard Depardieu l'était depuis longtemps. Ses films et ses frasques ont détourné l'attention des fêlures d'un homme qui ne se sent plus compris. Le monstre sacré du cinéma est un homme en colère et blessé.
Les coups d'éclat, il ne peut néanmoins s'en empêcher, de son plein gré ou pas. Dernier en date, se retirer de l'adaptation au cinéma des Yeux jaunes du crocodile, roman de Katherine Pancol, alors que tout était bouclé. Dans ce film, il devait donner la réplique à Emmanuelle Béart, Patrick Bruel, Karole Rocher, Samuel Le Bihan et à sa propre fille Julie Depardieu. Selon les informations du Parisien, il devrait être remplacé par Jacques Weber. "Son départ à l'étranger a pour conséquence qu'il ne veut plus travailler en France pour un bon moment. Par ailleurs, en privé, beaucoup de producteurs importants estiment que la présence à l'affiche du comédien le mieux payé de France en 2012, juste après Dany Boon, n'est plus une garantie de succès au box-office," écrit Le Parisien.
Retrouvez sur France Culture du 4 au 8 mars l'interview de Gérard Depardieu, pour l'émission A voix nue.