"Il me reste quelques blagues... Il faut avoir un bon sens de l'humour quand vous faites 18 interviews en une journée !" : à peine installé sur le sofa de sa suite de l'hôtel de Sers, dans le VIIIe arrondissement parisien, Enrique Iglesias joue en quelques instants presque toutes les notes de la partition de son charme latin : l'énergie sensuelle, la désinvolture bien dosée, la vivacité toujours mystérieusement juvénile, et un humour infatigable (à faire passer son assistante pour sa girlfriend, son manager pour son nutritionniste, etc.)... qui, comme c'est souvent le cas, recèle sa part d'ombre.
Facétieux, chaleureux et disert, le sex-symbol espagnol se livre à l'exercice de la promo pour son album Euphoria avec la sympathie et l'entrain de celui dont la passion ne saurait se démentir, mais aussi avec la propension à la confidence de celui qui commence peut-être à en revenir, à 35 ans, après quinze années de métier, dont onze depuis le hit starisateur Bailamos, et neuf albums originaux. D'un homme qui ne cherche pas forcément à dissimuler ses angoisses. Un entretien à découvrir ci-dessus.
Enrique dans sa quête du Graal : Euphoria...
On l'avait laissé Insomniac - titre de son précédent album-, on le retrouve en pleine Euphoria. Euphoria, son nouvel album qui paraît ce lundi 5 juillet, précédé par un single musclé et aguicheur, I like it, servi avec un clip mucho caliente dans la grande tradition de l'american partying (à redécouvrir ci-dessus). A mille lieues de la vie rêvée de l'intéressé, à l'en croire : "C'est vrai, je ne suis pas ce genre de mec... Quand je ne travaille pas, j'aime être chez moi, à passer du temps avec ma... (il se reprend) Tu sais ce que je fais quand j'ai du temps libre ? Je sors, je fais du sport, un tas de trucs. En vrai, il m'arrive d'aller à des soirées, une fois de temps en temps, mais une fois que je suis chez moi, je me détends, je me mets dans le canapé. Prendre le petit déjeuner dans le canapé, le déjeuner dans le canapé, regarder le football à la télé ! Et puis... dîner dans le canapé ! C'est vrai, je te jure, c'est vraiment incroyablement ennuyeux ce que je fais !" De temps à autre, lorsqu'il n'est pas en concert au bout du monde et qu'elle n'est pas en plein match du Trophée des légendes, il se détend paisiblement avec sa compagne Anna Kournikova - "elle a toujours de ces réflexes, nous confiera-t-il. Quand on est en voiture et que ma casquette s'envole, elle la rattrape instantanément !"
Cette dualité, le bel Ibère la cultive volontiers. Elle transparaît clairement dans Euphoria (de Dirty dancer, duo avec Usher dédié à toutes les dirty girls de la planète, à Coming home, il y a un monde...), un album qu'Enrique décrit quasiment comme sa quête de la pierre philosophale, à la recherche de "ces moments qui vous rendent extrêmement heureux et qui vous font dire : ouah, j'aimerais que les gens entendent cela". Les moments d'euphorie ; l'authenticité et l'intensité. Une exploration qui explique à elle seule le caractère éclectique de sa composition, et l'union des langues anglaise et espagnole en un même effort.
Des guest stars de choc et autant de rencontres
En matière d'aventures musicales, la liste des invités de ce nouvel album est édifiante : au côté du hitmaker floridien, le furieux et sexuel Pitbull, on remarque la présence du roi du merengue Juan Luis Guerra (Cuando me enamoro), des extraterrestres portoricains du reggaeton Wisin & Yandel (qui participaient dans un récent passé au remix de Lloro por ti sur un best of non distribué en Europe), de l'irrésistible Nicole Scherzinger (Heartbeat), de son grand ami Usher (Dirty dancer) ou encore du chanteur Akon (One day at a time).
Les rencontres elles-mêmes ont été uniques, chacune en son genre, du coup de fil angoissé à l'idole de son enfance Juan Luis Guerra à l'impro d'Akon, qui, pour ainsi dire, passait par là du côté du studio et a posé sa voix, en passant par la Pussycat Doll, pour qui il avait spécifiquement écrit la chanson Heartbeat, ou encore Pitbull, le "Big caliente guy", alias Mojo-man : "Notre rencontre avec Pitbull, c'était cool. C'est amusant parce qu'en fait j'étais à l'école avec un de ses meilleurs amis. Et il se trouve que ce mec, mon ancien camarade d'école, travaille avec lui. Donc j'avais l'impression de déjà le connaître. Et on a tous les deux grandi dans la même ville, où on parlait tous les deux spanglish. Il est Cubain-Américain, comme la plupart de mes amis à Miami. C'est comme si je connaissais bien le bonhomme."
L'angoisse, l'autre visage de l'euphorie
L'album achevé, place à l'angoisse. "It's nerve-wracking ; really, it is". "Nerve-wracking" (angoissant), le mot reviendra souvent, et, avec lui, le regard se fera moins candide, moins espiègle. Plus déstabilisé. Mériter l'amour du public et se soumettre à nouveau à son jugement est angoissant. L'industrie musicale est angoissante. "Il y a des jours où on se dit 'C'est bon, j'en ai marre', mais ce ne sont que des mauvais moments à passer. Je connais ça depuis le premier jour", lâche-t-il. Mais pas seulement. Le questionnement personnel, sur le fait d'avoir des enfants, le fait de vieillir, le fait de savoir apprécier suffisamment ces fameux moments d'euphorie vite consommés et embués par le filtre du temps qui passe, ça aussi, c'est angoissant : "Quand tu arrives à 30 ans et que tu regardes en arrière, tu vois comme la vingtaine est passée vite, et tu te dis que peut-être tu n'en as pas profité comme tu aurais dû. Peut-être que j'aurais dû profiter un peu plus de ces... moments d'euphorie".
Ceux qu'Enrique est parvenu à capturer et à restituer dans Euphoria viennent de tomber dans le domaine public. Avis aux amateurs.
Entretien exclusif recueilli par Guillaume Joffroy pour Purepeople.com.