Récemment diffusé sur ARTE (et toujours en replay sur Arte +7) avant une sortie en salles le 7 décembre, le film Carole Matthieu voit Isabelle Adjani briller dans le rôle d'un médecin du travail faisant face à la détresse de certains employés. Un thriller social qui pourrait bien valoir à son interprète principale une nomination aux César du Cinéma...
Dans son interview accordée au nouveau numéro de Version Femina, elle évoque avec passion ce film pour lequel "il n'y avait pas d'ego". "J'aime les films qui questionnent votre regard sur le monde, qui soulèvent des problématiques auxquelles vous ne pensiez pas avant d'entrer dans la salle", confie l'iconique actrice française. Carole Matthieu est de ceux-là. Confrontée à la détresse des fragiles, les "gens dont la voix est anesthésiée, supprimée, éteinte" et à qui le film donne la parole, Isabelle Adjani s'est questionnée sur la société mais aussi le harcèlement moral et psychologique qui existe dans son propre milieu. Car il y en a bien un, "'pour le bien de la prestation', si l'on en croit certains qui se vantent d'avoir secoué leurs actrices, de les avoir rendues malheureuses pour obtenir ce qu'ils souhaitaient". On pense inévitablement à La Vie d'Adèle, dernier grand cas de figure, les deux comédiennes ayant évoqué un tournage très éprouvant. "C'est un principe très limite, d'autant plus que ce sont principalement, voir les jeunes filles, qui le subissent", croit savoir Isabelle Adjani, qui en a aussi fait les frais quand elle était plus jeune. "C'était étrangement ma chance. Je le tolérais, je l'assimilais, de façon presque romantique. Comme du dépassement, de la sublimation, quelque chose qui m'emmène vers des abîmes intérieurs", commente-t-elle.
Avant d'être actrice, Isabelle Adjani avait pourtant d'autres désirs. L'un d'eux fait justement écho à l'engagement social de son film, même si le sujet est complètement différent. Au sortir du primaire, la jeune Isabelle était alors obnubilée par l'humanitaire. "C'est que je souhaitais faire quand j'étais adolescente, avoue-t-elle. A 11 ans, j'avais fait une quête pour les enfant du Biafra et cela m'obsédait tellement que j'en ai redoublé ma 6e." Elle poursuit : "Je pensais alors consacrer ma vie aux autres, partir dans le tiers-monde." La vie en décidera autrement pour elle, qui n'en perd pas sa "vocation d'engagée".
Dès lors, elle ne cessera de mettre son temps au profit d'autres formes d'engagement. "Quand je perds mon temps à faire ou à voir des choses qui n'apportent rien, je suis abattue", argue l'actrice de 61 ans. Elle trouvera ce salut dans des films plus indépendants et dans un certain éloignement médiatique, elle qui dit avoir souffert très jeune de la célébrité. "Tout a un prix, dit-elle. J'ai vécu de belles choses, fait de belles rencontres avec le public, mais il y a aussi le regard juge, malveillant, la solitude, l'isolement." Avec l'expérience, Isabelle Adjani a pu appréhender différemment et a changé son regard sur le business. Mais il y a bien un credo qui ne change pas chez elle : "Un film qui me plaît, c'est comme un homme qui me plaît."
Interview à retrouver en intégralité dans Version Femina, supplément du JDD du 20 novembre 2016.