Tourbillon dans le cinéma français depuis les années 1950, Jeanne Moreau évolue dans ce monde avec talent et franchise. Et son talent est indiscutable, même si les récompenses ne sont pas à la hauteur de ses prestations (un seul César en 1992 pour combien de rôles bouleversants ?), elle a nourri le septième art de sa présence emblématique et de sa voix inimitable. Sa franchise bien connue, elle en fait la démonstration avec générosité dans une interview pour Madame Figaro.
"Je ne suis pas maternelle"
"Quand on est comédienne et que l'on ne fait que cela, on passe son temps à s'en aller. On ne s'occupe de rien. On ne va pas parler d'amour le soir en rentrant. J'ai eu un enfant. Je n'en voulais pas. Je sais que je choque beaucoup de femmes. Mais je ne suis pas maternelle", dira dans cet entretien Jeanne Moreau. Elle expliquera ensuite : "Il y a un âge où l'on est dans la séduction, où l'on est séduit. C'est un échange. Chez une femme, c'est blâmable, chez un homme, c'est normal."
Lors d'une interview croisée avec la chanteuse Camille, Jeanne Moreau avait déjà évoqué le sujet de la maternité en racontant la naissance de son fils Jérôme, né en 1949 de son mariage avec Jean-Louis Richard : "Moi, on m'avait demandé de me taire. J'ai accouché en deux heures, pour un premier enfant, c'est rarissime. Je ne suis pas maternelle comme toi. Mes enfants, ce sont les personnages, je leur donne vie... Je ne suis pas faite pour avoir des enfants." Un peu choquée par cette déclaration, Camille avait glissé après un silence : "C'est dur, ce que vous dites." Jeanne Moreau assume : "Je parle de moi, je ne juge personne. J'aime beaucoup les enfants des autres. Je suis davantage grand-mère que mère." Oui mais voilà, Jeanne Moreau n'a pas de petits-enfants !
"J'ai vécu comme un garçon"
A 84 ans, elle pose un regard sans concession sur son parcours et sa vie de femme. Elle a failli écrire un livre, elle en avait d'aillleurs rédigé 700 pages il y a dix-sept ans, mais elle a abandonné : "Cela me forcerait à entrer à l'intérieur de moi, je n'en ai pas envie." Au lieu de cela, elle livrera des confidences : "Oui, j'ai vécu comme un garçon. Ça m'irrite de le dire cela. J'aurais préféré dire : j'ai vécu comme une femme libre. Mais cela veut dire que j'ai eu des aventures, des amants, que je peux partir quand j'en ai envie."
Jeanne Moreau s'est aussi toujours voulue indépendante : "La grand-mère paternelle était une emmerdeuse, méchante avec ma mère parce que étrangère. Ma mère était danseuse aux Folies-Bergère. Elle a connu mon père à la Cloche d'or, un restaurant du soir, rue Mansart à Paris. J'ai appris que cette femme si pieuse lui avait proposé de faire une fausse couche pour que je ne vienne pas au monde." Sensible mais déterminée, Jeanne Moreau choisira donc de s'assumer le plutôt possible : "Mon père n'était même pas au courant que je travaillais. Il l'a appris par des copains quand j'ai fait la une de France-Soir."
Autodidacte, elle choisira la lecture comme drogue et comme liberté. C'est ainsi qu'elle a brillamment mêlé les textes de Jean Genet, Le Condamné à mort, en 2010 aux côtés d'Etienne Daho. A présent, on l'attend dans Une Estonienne à Paris d'Ilmar Raag et dans Gebo et l'ombre de Manoel de Oliveira.
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine Madame Figaro du 2 août.