Dimanche 24 septembre, Jeannette Bougrab était l'invitée de Catherine Ceylac dans Thé ou café sur France 2 pour présenter son nouveau livre, Lettre d'exil – La Barbarie et nous, publié le 8 septembre 2017 aux éditions du Cerf. Avec beaucoup de sincérité, celle qui fut la compagne de Charb, dessinateur et ancien directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, est revenue sur les conséquences des attentats du 7 janvier.
Deux ans et demi après les faits, Jeannette Bougrab et sa fille May (6 ans, adoptée au Laos) ont refait leur vie à Helsinki. L'ancienne secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy, avec lequel elle est toujours en contact, est directrice de l'Institut français de Finlande. Elle explique que sa plus grande peur est que sa fille lise un jour les horreurs écrites sur sa mère après la mort de Charb. "J'en suis blessée pour ma fille. Je reçois encore des injures. Les amis de Charb ont été dégueulasses avec moi. J'ai perdu quelqu'un que jamais et qui m'aimait, j'en suis convaincue parce qu'il me l'a écrit. Ce que ses amis peuvent penser m'est égal. Les écrits sont là." Et d'ajouter : "Ce qui m'inquiète, c'est qu'un jour, ma fille lise toutes ces horreurs parce qu'elle garde le souvenir de quelqu'un qui s'est occupé d'elle, qui a joué avec elle, faisait des choses que je ne faisais pas avec elle comme de la pâte à modeler ou du dessin. Mais pour moi, la page est tournée."
À la suite des attentats de janvier 2015, Jeannette Bougrab avait révélé être la compagne de Charb, tombé sous les balles des terroristes. À l'époque, beaucoup l'avaient traitée de mythomane, quelque chose dont elle "ne se remettra pas" et qu'elle "ne pardonnera pas". Pour échapper à cet enfer, Jeannette Bougrab a donc choisi l'exil en Finlande.
L'enfer n'était pas seulement médiatique mais aussi familial. Farouchement indépendante, Jeannette Bougrab est connue pour son combat pour la laïcité, ce qui lui a coûté cher au sein de sa famille, comme la polémique autour de sa relation avec Charb. Depuis la mort de sa chère mère Zohra en 2015, d'un cancer, il ne lui reste plus que son père, sa soeur et ses neveux. "Une partie de ma famille ne me parle plus. En raison de tout ce qu'il s'est passé en 2015, en raison de tout ça. (...) J'ai fait des choix en mon âme et conscience, j'en ai payé le prix le plus cher : la solitude, aujourd'hui. (...) Certains membres de ma famille pensent que je suis une traînée, la femme arabe ne s'appartient pas."
Dans Thé ou café, Jeannette Bougrab raconte qu'elle ne peut plus ouvrir, regarder ou lire Charlie Hebdo. "Jamais, jamais", insiste-t-elle. Pour autant, elle va mieux : "Le mot 'bonheur', je ne pensais pas qu'un jour je pourrais le reprononcer. Je me surprends moi-même à être joyeuse, mais c'est tout récent." Interrogé par Catherine Ceylac, Jeannette confie être à "5 et demi-6" sur une échelle de 1 à 10 du bonheur. "Ça progresse", lâche-t-elle en souriant...