C'est une affaire qui a secoué la France entière. Le 17 juillet dernier, Emmaüs international a publié un rapport dans lequel 7 femmes assurent avoir subi des gestes déplacés, voire des agressions sexuelles de la part de l'abbé Pierre, décédé en 2007 à Paris, à l'âge de 94 ans. Dans son dernier article sur l'affaire paru ce mercredi 14 août, Libération questionne le rôle de Lucie Coutaz, la femme à poigne qui était la secrétaire particulière du prêtre.
Les deux amis se sont rencontrés pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu'ils oeuvrent pour la Résistance. En 1943, le vicaire Henri Grouès de son vrai nom, 32 ans, cherche des alliés pour des faux papiers destinés aux Juifs qui doivent partir en Suisse. C'est là qu'il fait la connaissance de Lucie Coutaz, 45 ans, qui est également passé par la religion et qui est syndicaliste chrétienne sous couverture à Notre-Dame-de-Sion. Ils ne se quitteront plus.
L'ami du très médiatique religieux l'aide à fonder Emmaüs : c'est elle qui gère l'organisation tandis qu'il la représente dans les médias. Selon Libération, le bras droit de l'abbé Pierre était au courant de ses déviances et veillait strictement sur la vie privée du prêtre. Jusqu'à sa disparition en 1982, à 83 ans. Il semblerait que c'est à partir de ce moment-là que les témoignages s'accumulent. Le rôle de Lucie Coutaz dans la vie privé du créateur d'Emmaüs reste encore flou mais il est certains que les révélations ne sont pas terminées.
Après la publication du rapport, un autre témoignage s'est ajouté : celui de E. de C., aujourd'hui décédée mais qui avait rédigé une lettre accusant l'ancien prête à destination de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église en 2019. Le journal Libération a pu y avoir accès et dévoile certains passages ce mercredi 14 août.
"Je tiens après tant d'années de silence à dénoncer les abus sexuels que j'ai subis en 1989-1990 de la part de l'abbé Pierre, aujourd'hui décédé", écrit cette femme. Puis la victime donne plus de détails : "Il est passé rapidement de l'aide charitable à des faits d'abus sexuels. Il m'emmenait dans un appartement parisien dont il avait la clé pour passer des nuits avec lui." À ce moment-là, il a 77 ans, elle en a 34 et est en détresse, abandonnée par sa famille.
Selon le quotidien, la hiérarchie catholique était au courant des conduites problématiques de l'abbé Pierre avec les femmes dès les années 50. Pendant quelques années, une surveillance est mise en place mais dans les années 70, l'Église est en crise avec le départ de nombreux prêtres, et la cause des prédateurs sexuels passe au second plan. Dans les années 80, l'abbé Pierre est de retour sur le devant de la scène : le mythe se construit. Et, sans Lucie Coutaz à ses côtés, le statut du religieux lui permet de commettre les agressions.