L'Allemagne a beau ne plus connaître de régime de type monarchique depuis près d'un siècle et la chute du Reich (l'Empire) en 1918, elle est sérieusement entichée de la vie des princes et princesses, mais cet appétit médiatique n'est pas du goût de la princesse Caroline de Monaco.
Bordée de familles royales (Danemark, Suède, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Liechtenstein) et peuplée de citoyens qui sont de vrais gourmands de gotha, l'Allemagne vient de prendre connaissance de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) "sur la contradiction entre liberté de la presse et respect de la vie privée de personnalités". L'une des deux décisions étant l'épilogue du long bras de fer entamé par la princesse Caroline de Hanovre et son époux le prince Ernst August.
Le couple avait saisi la Cour européenne des droits de l'Homme suite à divers échecs auprès des instances judiciaires allemandes, qui, bien qu'ayant accédé à deux de leurs requêtes du même type, avaient refusé d'interdire la publication d'un cliché indésirable : cette photo, montrant la princesse Caroline et son époux en vacances dans la station suisse de Saint-Moritz tandis que le prince Rainier III était malade, avait servi d'illustration à un sujet intitulé "La princesse Stéphanie (soeur de Caroline), il n'y a qu'elle qui s'occupe du prince malade". La princesse Caroline et le prince Ernst August ont été déboutés de cet ultime recours : les juges de la grande chambre de la CEDH ont estimé à l'unanimité "que les photos montrant les requérants en pleine rue à Saint-Moritz en hiver n'étaient pas en elles-mêmes offensantes au point de justifier leur interdiction", selon une dépêche de l'AFP publiée mardi 7 février. La CEDH, se basant sur la valeur "intrinsèque" des images, a donc adopté un point de vue différent - mais pour le même résultat, concernant les plaignants - de celui de la cour constitutionnelle allemande, laquelle avait en 2008 débouté le couple princier, estimant que la défense de l'Etat allemand selon laquelle il s'agissait d'un sujet d'actualité relevant du droit à l'information était recevable.
Si l'affaire ressurgit aujourd'hui, elle est pourtant loin d'être neuve. Alors que la fille aînée de la princesse Caroline et de son défunt époux Stefano Casiraghi, Charlotte Casiraghi, s'insurgeait récemment contre la traque médiatique dont elle est devenue la proie, brandissant le sceptre de la justice pour se prémunir, cela fait plus de quinze ans que sa mère bataille pour contrer les intrusions dans la vie privée de sa famille et la publication de photographies. Avec son époux le prince Ernst August de Hanovre, elle avait obtenu gain de cause en 2004 auprès de la Cour de Strasbourg, laquelle avait estimé que la justice allemande n'avait pas protégé leur "droit au respect de la vie privée et familiale", selon l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Une décision suivie de rebonds, Caroline et Ernst August de Hanovre requérant via diverses procédures en Allemagne l'interdiction d'utiliser des paparazzades publiées entre 2002 et 2004 dans deux magazines (Frau im Spiegel et Frau Aktuell). Entendu par la justice dans deux de ses actions visant à l'interdiction de publication de deux photos, mais débouté concernant une troisième - les fameuses photos des vacances à Saint-Moritz -, le couple avait saisi en 2008 la CEDH. Devant le tribunal européen, les avocats de l'Etat allemand ont plaidé la même thèse en vertu de laquelle la cour constitutionnelle allemande avait débouté les plaignants en février 2008 : le droit à l'information. Pour eux, l'article couvrait un sujet d'actualité (l'état de santé du prince Rainier III) en lien avec l'avenir de la principauté, la princesse Caroline étant elle-même "héritière au trône d'un Etat membre du Conseil de l'Europe, était véritablement un personnage public". Une défense plaidée en octobre 2010, tandis que Matthias Prinz, avocat du couple princier, avait dénoncé "l'intrusion permanente des médias dans la vie" de sa cliente.
L'autre arrêt rendu conjointement concerne une affaire du même type, avec une issue similaire : le groupe de presse Springer revendiquait le droit à la liberté d'expression quant à sa couverture médiatique des déboires de l'acteur de télévision Bruno Eyron (le magazine Bild avait révélé une condamnation en 2000 pour possession de stupéfiants). Comme les précédents tribunaux saisis, la CEDH a reconnu que "le droit de l'acteur à la protection de sa personnalité l'emportait sur l'intérêt du public à être informé, même si la véracité des faits relatés n'était pas contestée".Si la princesse Caroline a été déboutée, les conditions se durcissent néanmoins outre-Rhin... Rappelons que, dans les monarchies scandinaves voisines, les rapports entre médias et têtes couronnées sont globalement régis par un système donnant-donnant. Un principe qui a largement fait ses preuves au Royaume-Uni, où, depuis la mort tragique de Lady Di sous le pont de l'Alma au terme d'une énième course-poursuite avec les photographes, les relations entre médias et membres de la famille royale sont assujetties à un fair deal, un partenariat en bonne intelligence dans lequel la famille royale publicise une partie de son existence en échange du respect des aspects plus privés. Un contrat moral qui a un peu souffert en 2011 de l'hypermédiatisation de Kate Middleton, qui a rejailli sur sa famille. Dernièrement, la princesse Stéphanie, soeur de Caroline, s'est signalée dans le même registre en se livrant à une interview croisée intime avec ses filles Pauline Ducruet et Camille Gottlieb pour le magazine Gala.