Elle a crié "je t'aime", elle a chanté la différence, elle a été pure, nue, immortelle et s'est toujours donnée à son public en toute intimité, mais jamais encore Lara Fabian n'avait parlé ouvertement de ce drame personnel qui a inspiré la poignante chanson L'Oubli, qui clôt son album Ma vie dans la tienne : dans les colonnes du Parisien en date du samedi 5 mars 2016, la chanteuse oublie la pudeur et dit tout des affres de la maladie d'Alzheimer qui ravage sa maman Luisa, 75 ans, mais aussi de "la chaîne d'amour pour la tenir" qui s'est nouée autour d'elle. En parallèle, elle dévoile sur le site du quotidien un "témoignage visuel", un mini-film illustrant cette chanson particulière, où toute sa famille défile ; à la fin, le visage de Luisa, "encore si belle à l'instant", apparaît...
Je reste son phare
"Jusque-là, je voulais rester silencieuse", admet Lara Fabian, pour qui L'Oubli, écrite "d'une traite", a été un véritable "exutoire". Et puis, il y a eu la prise de conscience de la "stigmatisation terrible" de la maladie d'Alzheimer, de la "réelle souffrance" que constitue "le silence dans lequel s'enferment certains patients et leur famille" : "En tant que personnalité publique, je peux faire bouger les consciences, les choses, dit-elle, soucieuse d'aider les gens et la recherche. Alors, je vis ce que plein de gens vivent quand ils sont confrontés à ce problème : une forme de crise intérieure, de honte, d'incompréhension."
Interrogée par le journaliste Emmanuel Marolle sur la manière dont le mal s'est manifesté chez sa mère, la chanteuse belgo-canadienne de 46 ans, mariée depuis trois ans avec le magicien italien Gabriel Di Giorgio, avoue n'avoir "d'abord pas compris", lorsque les "petites choses" ("Je ne retrouve pas mes clés, mon téléphone") se sont multipliées. "Et soudain, ce n'est plus la même personne que vous avez en face de vous", assène-t-elle, découvrant brutalement la douloureuse expérience que tous les proches de personnes atteintes d'Alzheimer partagent... "Il a fallu que j'encaisse, souligne-t-elle, moi qui suis hyper liée à ma mère, sicilienne (...) Je suis fille unique. C'est fort et fusionnel entre nous." Le lien, par chance, n'est pas encore totalement rompu, Luisa reconnaissant encore Lara : "Je reste un vrai phare pour elle", glisse l'artiste, évoquant des transferts d'identité, "mais pas avec [elle]".
C'est là qu'elle revient le plus à elle
Présente pour les siens, sa mère mais aussi son père Pierre, dès l'annonce du diagnostic, Lara Fabian fait tout pour que cette lumière dans le brouillard et l'obscurité ne se tarisse pas : "Il y a toujours quelqu'un avec elle. J'habite juste à côté. Elle me voit tous les jours, elle voit sa petite-fille [Lou, 8 ans, issue de sa relation passée avec le réalisateur Gérard Pullicino, NDLR] tous les jours, son mari. Dans cette famille sicilienne, on s'est fait une chaîne d'amour pour la tenir. Vous n'imaginez pas la puissance de ma main qui la touche, d'un baiser sur sa joue, du fait de la prendre dans mes bras, de rire avec elle. C'est là qu'elle revient le plus à elle. Ma maman vit toujours dans sa maison (...) Il faut la mettre sur la piste des choses dont elle se souvient." Comme les saveurs, les odeurs, les lieux de l'enfance, bien ancrés dans sa mémoire...
Décidée à prendre la parole pour tous ceux qui n'ont pas sa notoriété et vivent la même épreuve, l'artiste a souhaité faire à partir de la chanson L'Oubli un film aux airs de campagne de sensibilisation : "Ce n'est pas un clip, il n'y a rien de commercial, je n'ai rien à vendre", prévient-elle. De fait, la vidéo est pétrie de sincérité et d'authenticité : "J'ai mis un appareil photo sur pied. J'ai demandé à chaque membre de ma famille de s'asseoir et de regarder la caméra, comme s'il regardait ma maman." Le dernier visage à apparaître en gros plan est celui de Luisa ; mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, cela n'a pas été une décision évidente : "J'ai hésité à la mettre. C'est pour ça qu'elle n'apparaît qu'une fois. Je lui ai demandé. Elle était d'accord. Tout ce que je fais autour de cette chanson, elle le sait."
Et pour ce qui est de l'oubli... "Comme un sauveur, un mal pour un bien", tel qu'elle le chante, bouleversante : "L'oubli est en surface ce qui nous fait souffrir, mais c'est à l'intérieur ce qui la fait tenir (...) L'oubli est un espace que personne ne comprend, mais pour elle c'est la place qu'enfin son âme reprend."
GJ