Léa Seydoux: 'Je n'ai pas eu une enfance bourgeoise comme on peut se la figurer'

Interrogé sur les conditions de tournage traumatisantes du film La Vie d'Adèle, Palme d'or à Cannes, le cinéaste Abdellatif Kechiche avait tenu des propos très durs à l'égard de l'une de ses deux actrices, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux. "Si Léa n'était pas née dans le coton [elle est la petite-fille de Jérôme Seydoux, le président de Pathé, NDLR], elle n'aurait jamais dit cela. (...) Léa n'était pas capable d'entrer dans le rôle. J'ai rallongé le tournage pour elle. (...) Les ouvriers souffrent, pas les actrices adulées qui vont sur les tapis rouges." Et si la comédienne parlait elle-même de son enfance au sein d'une lignée d'industriels ? Pour le magazine Psychologies, la timide Léa, encore en couverture, s'ouvre et se dévoile sur son passé et ses peurs, d'hier et d'aujourd'hui.

Du tournage et du calvaire qu'elle a pu vivre pour La Vie d'Adèle, Léa Seydoux n'en parle pas tant que ça, se bornant à dire que se voir à l'écran dans les scènes osées du film l'a mise mal à l'aise, tout en insistant sur le fait qu'elle n'a pas fait le film malgré elle : "Je l'ai voulu, vraiment." À nu au sens propre comme au figuré dans ses longs métrages, elle explique qu'elle n'a jamais été très complexée physiquement : "Sans doute parce que ma mère m'a transmis sa capacité à se ficher du regard des autres." Sa mère, Valérie Schlumberger, descendante d'une prestigieuse famille d'industriels, est à la tête de la Compagnie du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO) qui promeut l'artisanat, tout en s'occupant des plus déshérités.

Léa Seydoux se penche alors sur l'éducation qu'elle a reçue : "Très tôt, dès le divorce de mes parents quand j'avais 3 ans, j'ai eu le sentiment d'être livrée à moi-même et de faire ma propre éducation, avec ma soeur [Camille, styliste, NDLR] dont je suis très proche en âge et en général." Dès 14 ans, elle a suivi, de son propre chef, une thérapie : "Je sentais que sans cela, j'aurais pu mal tourner." Le jeune femme a beaucoup travaillé sur ses craintes : "Je n'ai plus peur de ma peur. Parce que je sais qu'elle est très subjective, qu'elle tient beaucoup à une enfance qui m'a insécurisée." Des traumas qui ne l'empêchent pas d'être proche de sa famille. Déjà parce que la parole y circule aisément, et puis surtout parce qu'elle aime trop ses parents pour qu'il en soit autrement : "Je n'ai pas envie de m'enfermer dans ce schéma-là ; je vois trop de gens autour de moi qui se gâchent la vie en restant obsédés par les lacunes parentales et les carences affectives. [Mes parents] sont des individus exceptionnels. (...) J'ai des raisons de leur en vouloir en tant que parents, mais en tant qu'individus, ils m'inspirent beaucoup."

Léa Seydoux se défend d'avoir eu un parcours tout tracé dans un milieu bourgeois classique, refusant le cliché de la pauvre petite fille riche : "Je ne me suis jamais sentie comme telle. Sans doute parce que, même si je vivais effectivement dans un milieu aisé, je n'ai pas eu une enfance bourgeoise comme on peut se la figurer. C'était davantage une vie de bohème, plutôt artiste." Elle a aussi lutté pour devenir l'enfant idéal de ses parents, se heurtant à la possibilité de devenir une fille brillante qui fera de bonnes études : "Ce n'était pas du tout mon cas. J'étais une enfant rêveuse, inadaptée au système scolaire, qui ne pensait qu'à chanter et à danser seule dans sa chambre..." Léa aura néanmoins réussi à s'imposer autrement, à travers le cinéma.

Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine "Psychologies" du mois d'octobre 2013

"La Vie d'Adèle", en salles le 9 octobre