L'image du vampire en pyjama, qui donne son titre à ses deux nouveaux projets, lui est venue à l'hôpital. Mathias Malzieu, leader sur ressorts du groupe Dionysos, consacre un album et un journal à la maladie qui l'a clouée au pieu pendant un an. Une maladie auto-immune nécessitant de nombreuses transfusions sanguines... Dans Le Parisien et L'Obs, l'artiste de 41 ans revient sur "la plus extraordinaire des aventures qu'il aie jamais vécue, [se] faire sauver".
C'est une loterie, un accident biologique. Ça peut arriver à tout le monde et ça n'arrive à presque personne. Une centaine de cas seulement en France
Novembre 2013, sur le tournage d'un clip pour une chanson de son film Jack et la mécanique du coeur, un projet auquel participait son ex-compagne Olivia Ruiz, Mathias Malzieu se trouve très fatigué entre les prises. Une prise de sang plus tard et le verdict est sans appel : "Aplasie médullaire, autrement dit arrêt du fonctionnement de la moelle osseuse. Une maladie aussi grave que rare, écrit Mathias Malzieu dans Journal d'un vampire en pyjama. C'est une loterie, un accident biologique. Ça peut arriver à tout le monde et ça n'arrive à presque personne. Une centaine de cas seulement en France." En attendant une greffe, le chanteur doit être transfusé régulièrement : "J'avais besoin du sang des autres pour survivre, dit-il dans Le Parisien. Je me suis dit que j'avais un début d'histoire avec l'être humain que j'étais et qui devait accepter sa nouvelle condition de vampire."
Pour que ses anticorps n'attaquent plus ses globules, Mathias Malzieu peut espérer régénérer sa moelle osseuse avec une greffe de cellules du cordon ombilical. En attendant de gagner à cette autre loterie, il ne quitte plus sa chambre d'hôpital stérile, d'où il écrit son journal et les chansons du prochain album de Dionysos. Un an après le diagnostic, deux cordons compatibles sont trouvés dans le même hôpital de Düsseldorf. "Leurs cellules souches avaient été gardées dans de l'azote liquide depuis 1999 pour l'un, et 2005 pour l'autre. Au fil des semaines, chacun prenait l'ascendant sur l'autre. Ce qui fait que je changeais régulièrement de groupe sanguin."
Dans son "aquarium sans eau", il écrit et compose, collabore à distance avec Dionyos : "Le groupe a travaillé sur les arrangements pendant que j'étais à l'hôpital. C'était étrange d'y recevoir leurs enregistrements comme c'était bizarre pour eux de travailler en mon absence. En termes d'élan et de solidarité, ce fut capital", raconte Mathias dans L'Obs. Dans ces moments-là, l'entourage ne réagit pas forcément comme il faudrait, ce qu'il a pu observer : "Certains se sont révélés magnifiques comme mon père, ma soeur, mon amoureuse Rosy et des membres du groupe. D'autres, notamment des collaborateurs de longue date, ont pris la fuite alors que j'avais besoin d'eux pour envisager le futur et construire les fondations artistiques de demain. C'est un mélange de maladresse, de peur, de lâcheté. Les malades son discriminés."
Grâce à cette greffe, Mathias Malzieu n'a plus besoin de transfusion. Le vampire s'efface. En quittant l'hôpital, il a eu besoin de revoir tout le monde : "Je prends des Polaroid avec tous les gens du service, écrit-il dans son livre. L'hôpital ne va pas me manquer, mais les personnes à l'intérieur, si... Les infirmières m'ont dit que certains patients avaient besoin d'oublier leur hospitalisation, moi j'ai besoin de m'en souvenir. Ce devoir de mémoire est imprimé au fond de mes os." Dans son livre comme dans l'album, qui sortiront respectivement le 28 janvier chez Albin Michel et le lendemain chez Universal, il raconte cette histoire sans pathos. Y compris sur la chanson Le Chant du mauvais signe, dans laquelle il se demande s'il va s'en sortir : "Il y a une ambiance country folk. Et pour Hospital Blues, on a mis un gros son électro pour que la chanson la plus sombre soit dansante, poursuit-il dans L'Obs. Un peu d'humour et de décalage rend l'ensemble plus émouvant et comestible."
En mars, le groupe débutera une tournée d'une quarantaine de dates, dont un passage au Grand Rex, à Paris, le 3 mai. Qui a déjà vu Dionysos sur scène connaît l'énergie phénoménale qu'il déploie sur scène et le côté casse-cou de Mathias Malzieu - on l'a vu grimper au balcon de l'Olympia depuis la fosse ! Mais, "toujours en reconstruction", notamment de son système immunitaire (qui était aussi performant que celui d'un nouveau-né, juste après la greffe), le quadragénaire fera sans doute plus attention. Quant à l'envie, elle est décuplée : "Je suis devenu plus gourmand et euphorique qu'avant, admet-il dans L'Obs. À présent, je veux que chaque instant soit jouissif. Je n'ai plus de temps pour le consensus mou."