Michel Sardou vient de perdre un très précieux compagnon de route : Régis Talar, producteur avec lequel il avait connu le succès et qui l'avait épaulé depuis les années 1960 et jusque dans les années 2000, est mort à l'âge de 82 ans.
Leur grande aventure avait débuté en 1969, lorsque le chanteur en devenir, revenu de son service militaire (avec le corrosif Le Rire du Sergent dans ses bagages) deux ans plus tôt et fraîchement libéré de son contrat avec Barclay Records, la maison de disques d'Eddie Barclay, était devenu le protégé du label Trema que ses complices Jacques Revaux et Régis Talar avaient créé spécialement pour lui. Le premier était devenu en 1966 son ami et son plus fidèle collaborateur, compositeur de nombre de ses chansons les plus fameuses (mais aussi de la mélodie de Comme d'habitude), le second avait cravaché en tant que directeur d'édition chez Barclay pour le faire percer et lui décrocher des passages en radio. Et lorsqu'Eddie avait cassé sans ménagement, lui conseillant tout bonnement de changer de métier, le contrat d'un Sardou déjà éreinté en 1965 par Jean Yanne dans le télé-crochet Top Jury où il avait présenté sa première chanson (Madras), Revaux et Talar, convaincus au contraire de son potentiel, s'étaient dédiés à lui faire connaître le succès.
Michel Sardou n'avait alors à son actif qu'une petite notoriété issue du "buzz" avant l'heure de son titre très politique et controversé Les Ricains (1967) et du succès d'estime de Petite (1968). Mais avec Trema et ses deux compères acquis à sa cause, la donne va rapidement changer, comme il le relatait par exemple au journal Le Parisien en 2007, époque à laquelle les deux hommes étaient déjà brouillés depuis plusieurs années, à l'occasion de ses quarante ans de carrière : "Ma carrière a vraiment commencé en 1970 avec Les Bals populaires. Je ne voulais pas de cette chanson, elle ne correspondait pas à mes goûts, mais mes producteurs de l'époque, Jacques Revaux et Régis Talar, ont insisté. Ça a été un triomphe. Résultat, j'ai été prisonnier un moment d'un répertoire franchouillard qu'on m'a longtemps reproché. A l'époque, je traînais avec Michel Fugain, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday et d'autres que j'ai depuis perdus de vue. On était des mômes, on vivait tous dans le même appartement. Soit chez moi à Montmartre, juste à côté du funiculaire, soit quai aux Fleurs, chez Fugain. On écrivait des chansons ensemble, c'était assez bohème. On se marrait bien, même à la télé. On était entre nous, on décidait de la programmation des émissions de Maritie et Gilbert Carpentier."
Sa fidélité et sa relation toute particulière avec les artistes
Avec Trema, Sardou est devenu un classique de la chanson française et grâce à sa tête de gondole Sardou, Trema a prospéré, sous la houlette de son directeur général Régis Talar et avec d'autres très populaires protégés, tels Enrico Macias, Richard Anthony, Michel Delpech, Frédéric François, ou encore les groupes Dionysos et Matmatah. Le label indépendant, dont le chiffre d'affaires annuel culmina à 38 millions d'euros (en 1998, année où Sony Music racheta les parts de Jacques Revaux), avait été acquis en 2004 par la major Universal Music France. Il détenait 1,5% de part de marché en France. Régis Talar avait par ailleurs contribué à la création du label Atmosphériques fondé en 1995 par Marc Thonon.
Régis Talar, en reconnaissance de son parcours, avait été fait chevalier de la Légion d'honneur en 2016 et officier dans l'ordre des Arts et des Lettres en 2017. Michel Sardou, quant à lui, a rassemblé en 2017-2018 près de 400 000 spectateurs lors des 82 dates de sa tournée La dernière danse, pour ses cinquante ans de carrière.
La Société des producteurs de phonogrammes en France, dont Régis Talar fut l'un des membres fondateurs et l'un des membres du conseil d'administration jusqu'en 2004, s'est ému de la disparition de cette grande figure du monde de la production et de l'édition musicale qui "a toujours défendu et incarné les meilleures valeurs de la production indépendante, notamment par sa fidélité et sa relation toute particulière avec les artistes et les auteurs compositeurs".