Le 1er mai 1994, au Grand Prix automobile de San-Marin à Imola en Italie, Ayrton Senna s'élance en pole position au volant de sa monoplace Williams-Renault. La veille, il avait pleuré après l'accident mortel de l'Autrichien Roland Ratzenberger, 33 ans, pendant les qualifications. Lors du sixième tour, le pilote brésilien perd à son tour le contrôle de sa voiture et s'encastre contre un mur. Senna est transporté par hélicoptère dans un hôpital près de Bologne. Deux heures après la fin de la course, remportée par un Michael Schumacher bien incapable de célébrer quoi que ce soit, le décès du Brésilien de 34 ans est confirmée.
La rivalité d'Alain Prost et Ayrton Senna sur les circuits du monde entier a marqué durablement l'histoire de la F1. Dans une interview à l'AFP, Alain Prost se souvient que cette rivalité est une des raisons pour laquelle leur sport a touché un plus large public : "Pour résumer, on était passés d'un monde de spécialistes de la F1 à un monde complètement ouvert. C'est là qu'on a vu arriver les grands médias parce qu'il y avait cette bataille humaine avec des pilotes aux caractères ou aux charismes différents, de cultures différentes, aux éducations différentes. Cette rivalité était incroyable mais elle était aussi liée à tout le cadre et, malheureusement, la mort d'Ayrton a fait qu'elle est restée figée, estime Alain Prost. En réalité, je n'ai couru que deux ans avec lui dans la même équipe, que quatre ou cinq ans en tout. J'ai fait plein de choses, j'ai gagné plein de courses et de championnats en dehors de lui, mais notre histoire est complètement liée (...) Non seulement ma carrière mais aussi ma vie sont liées à lui. Je vis avec ça depuis une trentaine d'années."
Il y avait cette bataille humaine avec des pilotes aux caractères ou aux charismes différents, de cultures différentes, aux éducations différentes
Leur relation ne se limitait pas à cette rivalité sportive qui divisait les fans de F1 en deux camps bien distincts. À la retraite d'Alain Prost, les deux hommes se sont donc découverts sous un nouveau jour : "Après mon arrêt en 1993, c'était déjà différent. Heureusement qu'il y a eu ces six mois d'amitié à partir du moment où je me suis retiré de la F1, jusqu'à l'accident. Ça a changé complètement la relation." Si certains fans irréductibles continuent de vénérer Senna tout en détestant Prost, beaucoup, "la très grande majorité, se sont ralliés à une histoire commune (...) et ça c'est beau", analyse le Français.
Ayrton Senna a reçu des obsèques nationales. Trois jours de deuils ont été observés et un demi-million de Brésiliens ont assisté à son dernier tour de piste à Sao Paulo, sa ville natale. Sa mort a conduit les instances de la F1 à imposer de nouvelles règles de sécurité autant sur les circuits, dans le déroulé des épreuves, qu'aux constructeurs.
Pour le 20e anniversaire de la mort d'Ayrton Senna, un sondage, cité par l'AFP, révélait que "47% des habitants de Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil, le considéraient comme le plus grand sportif de l'histoire du pays". Le footballeur Pelé, récemment venu à Paris, n'avait récolté que 23% des suffrages.
Son héritage n'est pas seulement sportif : de son vivant, Ayrton Senna finançait de nombreux projets éducatifs et caritatifs dans son pays. Vivianne Senna Lalli, sa soeur, a créé une fondation à son nom afin de poursuivre ce travail à plus grande échelle, dès novembre 1994.
Toujours à l'AFP, Alain Prost raconte qu'à chacune de ses visites au Brésil, il reçoit un accueil particulièrement chaleureux : "J'y suis peut-être plus connu qu'en France et il y a une ferveur incroyable parce qu'il y a quelque chose qui est devenu du respect puisque je fais partie de la Fondation Senna et que j'ai toujours été très proche de la famille." En 2019, Ayrton Senna aurait eu 59 ans.