L'étau se resserre autour des joueurs du Montpellier Handball mis en examen dans l'affaire des paris suspects... Quinze mois après l'ouverture de l'information judiciaire, les enquêteurs ont rendu leur rapport sur la présumée arnaque envers la Française des jeux effectuée sur le match contre Cesson, perdu en mai 2012. Révélé par L'Équipe, le rapport est accablant pour certains mis en examen, notamment pour la star Nikola Karabatic, dont la culpabilité ne fait presque aucun doute pour les policiers. Mais tout n'est pas perdu pour le handballeur qui, en parallèle, vient de remporter une bataille judiciaire contre le MAHB...
"Lâcher la première mi-temps"
Pour les policiers, l'interprétation des faits est claire : il y a bien eu une escroquerie planifiée par les joueurs de Montpellier avant le match perdu contre Cesson, le 12 mai 2012. "L'idée de laisser filer un match prend forme pour les joueurs de Montpellier. Pour mieux dissimuler les manoeuvres frauduleuses, il est décidé de lâcher la première mi-temps et de tenter de remporter le match", peut-on ainsi lire dans le rapport de la police du Service central des courses et jeux, transmis le 14 août dernier à la juge Marie-Christine Desplat-Didier. Pour eux, les joueurs, avec la complicité de quelques tiers comme certaines de leurs compagnes, ont clairement voulu s'offrir une "prime de fin de saison" en lésant la Française des jeux. "Plusieurs joueurs décident de procéder à des retraits bancaires conséquents. (...) Jennifer Priez, petite amie de Luka Karabatic, en communication avec sa mère en septembre 2012, explique qu'il 'n'existe qu'une seule victime : la FDJ'", peut-on lire dans le rapport.
Les policiers, qui citent au passage le joueur Mladen Bojinovic et le buraliste Nicolas Gillet, comme le "tandem clé" de l'affaire, décrivent certains comportements troublants ne laissant guère de doute sur leurs motivations, comme les nombreuses communications téléphoniques entre les joueurs la veille et le jour du match, "alors qu'ils n'ont pas l'habitude" de s'appeler. Ils remarquent que "même des membres du staff" et "les petites amies des joueurs" échangent par téléphone.
Nikola Karabatic mis en cause
Le rapport revient ensuite avec beaucoup de précision sur le timing exact des prises de paris et sur l'implication de Nikola Karabatic. Alors qu'il avait nié savoir que sa compagne Géraldine Pillet avait parié sur le match, ce dernier l'aurait accompagnée en voiture chez deux buralistes montpelliérains "pour aller parier les sommes de 1500 euros et 2000 euros". Selon le rapport, c'est bien lui qui a aussi consulté la cote du match sur l'application FDJ téléchargée la veille de la rencontre, et non sa petite amie à qui il aurait prêté son téléphone, comme il l'avait expliqué. Géraldine Pillet "consultait également sur le même créneau des sites Internet depuis son téléphone" et "les deux téléphones ne bornent pas au même endroit", ce n'est donc pas elle qui a utilisé le portable de Nikola Karabatic selon eux...
D'autant plus que le téléphone de Nikola Karabatic, qui a retiré 1500 euros en espèces le 9 mai, a borné, comme celui de sa compagne, sur les lieux d'un buraliste à Montpellier le 12 mai entre 9h52 et 10h02, alors que ce dernier a enregistré un pari de 1500 euros justement, à 9h59. Plusieurs fois, le téléphone du nouveau joueur du FC Barcelone aurait également borné aux alentours d'établissements où étaient payés les paris. "Au regards de ces éléments d'enquête, il n'est pas possible d'affirmer que Nikola Karabatic a encaissé lui-même les tickets gagnants, mais sa présence à Paris avec Géraldine Pillet, sur Montpellier et sur Biarritz avec son frère Luka, lors des retraits de tickets gagnants, laisse présager une connaissance des retraits des gains au jeu sur ce pari", conclut le rapport.
"De nombreux joueurs ont bénéficié des gains"
Mais les frères Karabatic ne sont évidemment pas les seuls à être sérieusement pointés du doigt par les éléments du rapport. Les policiers mettent en cause la plupart des joueurs, y compris ceux qui nient, comme Nikola Karabatic, donc, mais aussi Dragan Gajic ou Issam Tej. "Les positionnements des téléphones aux heures et lieux précis des retraits des tickets gagnants ou les auditions diligentées dans le cadre de l'enquête permettent d'établir que de nombreux joueurs ont bénéficié des gains (...) : Bojinovic, les frères Karabatic, Mickaël Robin, Issam Tej, Dragan Gajic, Samuel Honrubia, Vid Kavitnik, avec un doute sur les nommés Mathieu Grebille et Rémi Salou", expliquent ainsi les policiers, qui parlent également dans leur rapport d'un voyage à Ibiza de fin de saison, qui aurait pu être financé par cette fraude. Les policiers révèlent aussi au passage que le gardien tchèque de l'époque, Richard Sotchi, aurait lui aussi parié 3000 euros, alors qu'il n'a jamais été inquiété par la justice.
Pour les seize mis en examen, pour escroquerie et recel d'escroquerie, il ne reste plus qu'à espérer un non-lieu de la part de la juge Desplat-Didier, quelques jours après l'annulation d'un rapport d'expert prouvant la tricherie lors du match, une nouvelle qui leur avait laissé de l'espoir. Sauf que ce scénario n'aurait que peu de chance de se réaliser au vu du rapport accablant et que les accusés devraient être renvoyés devant le tribunal correctionnel pour un procès qui pourrait se dérouler à la fin du printemps ou au début de l'automne prochain selon L'Équipe.
En attendant, une autre affaire judiciaire concernant Montpellier et Nikola Karabatic vient quant à elle de connaître son verdict. Le joueur, qui réclamait 58 000 euros à son ancien club pour le non-versement de ses intéressements, a vu le tribunal des prud'hommes lui donner raison. La somme correspond aux primes d'intéressement figurant dans le contrat entre le joueur et le club, et qu'il n'aurait pas respecté. "Depuis Barcelone où il réside, Nikola Karabatic attendait cette décision avec impatience, il va être satisfait", a déclaré son avocat Jean-Jacques Marce, du barreau de Nîmes. "Contrairement à ce que soutient le club, le litige avec Nikola Karabatic ne date pas de l'affaire judiciaire des paris truqués qui lui vaut une mise en examen, mais elle est antérieure puisque le MAHB refuse de payer ces primes d'intéressement depuis 2008", a-t-il ajouté.
Le MAHB, également condamné à verser au joueur 1500 euros de dommages-intérêts et à l'obligation de remettre les fiches correspondantes aux primes dues, pourrait aussi devoir verser de l'argent à un autre ex-joueur. Parti au PSG, Mladen Bojinovic réclame pour sa part quelque 100 000 euros, mais la décision a été renvoyée au 9 janvier 2014.