Orelsan incite-t-il à la violence envers les femmes à travers les textes de ses chansons ? La justice a répondu à la question, après des années de procédures. Et la réponse est non.
Ce jeudi 18 février, le tribunal de Versailles a relaxé le rappeur au bénéfice de la "liberté d'expression" indique l'AFP. "Orelsan est ravi, soulagé, très flatté", a déclaré son avocat, Me Simon Tahar, saluant une "reconnaissance du caractère presque absolu de la liberté de création et de la liberté artistique" et "les termes extrêmement forts" de la cour d'appel de Versailles, "qui ne laissent place à aucune équivoque".
Bien évidemment, le sentiment est autre du côté de la partie civile. "C'est une très grande déception", a confié Me Alain Weber, avocat des cinq associations féministes - Chiennes de garde, Collectif féministe contre le viol, Fédération nationale solidarité femmes, Femmes solidaires, Mouvement français pour le planning familial - qui poursuivaient le rappeur, dénonçant des textes "d'une violence inouïe" : huit chansons interprétées par le rappeur de 33 ans, de son vrai nom Aurélien Cotentin, lors d'un concert à Paris en mai 2009.
Les juges ont estimé dans leur décision que "sanctionner" ces textes "reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment d'abandon d'une génération, en violation du principe de la liberté d'expression". "La cour n'a pas à juger les sources d'inspiration d'un artiste", ont-ils ajouté. L'artiste "n'a jamais revendiqué" publiquement "la légitimité des propos violents, provocateurs ou sexistes tenus par les personnages de ses textes qu'il qualifie lui-même de 'perdus d'avance'", soulignent les magistrats.
En outre, ajoute la cour, "une écoute exhaustive et non tronquée de ses chansons permet de réaliser qu'Orelsan n'incarne pas ses personnages" et que la "distanciation" entre eux est "évidente". Le rap n'est "pas le seul courant artistique exprimant dans des termes extrêmement brutaux la violence des relations entre garçons et filles", notent encore les magistrats, qui citent le cinéma et préviennent : "Il serait gravement attentatoire à la liberté de création que de vouloir interdire ces formes d'expression."
"Nous verrons si nous formons un pourvoi" en cassation, a déclaré Me Alain Weber qui s'est expliqué. Si ces propos avaient été appliqués "à des Noirs, des homosexuels, des juifs, des personnes handicapées, il ne fait aucun doute que nous serions entrés en voie de condamnation", a estimé le conseil.
"Je suis d'accord avec le combat des gens qui ont porté plainte", avait assuré Orelsan à la barre, en décembre lors de son audition, alors que le président avait ajouté : "Mais on parle pas la même langue, c'est ça ?"
Le rappeur avait défendu des propos "ironiques", certes parfois "d'hyper mauvais goût", placés dans la bouche d'un "personnage fictif". Les associations, elles, avaient fustigé des textes visant "les femmes, comme une catégorie générale" et dit n'y déceler aucune "distanciation" du rappeur. L'avocat général n'avait pas formulé de réquisitions.
En première instance, devant le tribunal correctionnel de Paris, en 2013, l'artiste avait été condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis pour certains des passages litigieux.
Les juges avaient considéré l'expression "les meufs c'est des putes" comme une injure sexiste. Pour "renseigne-toi sur les pansements et les poussettes, j'peux t'faire un enfant et t'casser le nez sur un coup d'tête", ainsi que "ferme ta gueule ou tu vas t'faire marie-trintigner (...)", Orelsan avait été reconnu coupable de "provocation à la violence à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur sexe".
Il avait fait appel et, en 2014, la cour d'appel de Paris avait jugé les poursuites prescrites. La Cour de cassation avait annulé cette décision en juin et ordonné ce troisième procès.
Poursuivi par ailleurs par l'association Ni putes ni soumises pour le morceau "Sale Pute", au coeur d'une vive polémique en 2009, le rappeur avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris en 2012.