Quand Anne-Florence Schmitt, Directrice de la Rédaction de Madame Figaro, prend la tribune ce mercredi 5 mai après avoir, très chic, jovialement accueilli un à un les convives, le somptueux salon Tauber de l'hôtel Raphaël (XVIe arrondissement de Paris), qui bruissait d'une effervescence toute conviviale, se fait calme, pendu aux lèvres de la première héroïne de la soirée.
Non loin d'elle, son fidèle allié, Patrick Poivre d'Arvor, est sage également, attendant le moment où il devra remplir son office à l'occasion de cette 5e édition du Grand Prix de l'Héroïne Madame Figaro, dont il est le président d'honneur.
Partenaire fervent du rendez-vous littéraire et à la tête d'un jury chaque année composé de personnalités de renom, il avait cette année à ses côtés, pour désigner trois lauréats parmi les auteurs de 19 ouvrages, un collège comptant dans ses rangs la charmante Marie Drucker, l'élégante Nathalie Rykiel, le dandy Ariel Wizman (le trublion du Grand Popo Football Club était ce soir-là lecteur et... DJ, évidemment), présents avec lui, ainsi que Rachida Brakni, Pierre Lescure et Kamel Mennour, excusés. Cinq lectrices judicieusement recrutées complétaient le panel (Noëlle Baticle, Gaëlle Bonnet, Nelly Garnier, Mary Huault et Aude Siméon) chargé d'étudier la sélection de 6 romans, 8 biographies/documents et 5 oeuvres étrangères proposée par le journaliste de Madame Figaro, Eric Neuhoff.
C'est ce même Eric Neuhoff, avec son flegme et ses traits d'humour élégants et audacieux, qui présentera un à un les jurés, avec un traitement de faveur pour la nièce de Michel Drucker, "qu'on ne présente pas". "Ah bon ?", s'insurgera avec humour l'intéressée...
Après un discours inaugural embrasé à la gloire des héroïnes, du quotidien comme de l'extraordinaire, signé Nathalie Rykiel, PPDA mettra fin au suspense. Dans le sillage d'une entrée en matière décalée et désopilante, où il asouligné, cherchant le regard complice d'Eric Neuhoff, qu'il est difficile de faire l'éloge de l'homme après avoir entendu celui de la femme, il s'empressera d'attribuer le Grand Prix de l'Héroïne Madame Figaro pour le meilleur roman à l'un des quelques auteurs masculins en lice : Hédi Kaddour, pour Savoir-vivre (Gallimard). Déjà récompensé du Goncourt du premier roman pour le passionnant et copieux Waltenberg, Hédi Kaddour, qui enseigne à l'ENS Lyon, y aborde, au travers d'une histoire particulière dans l'Angleterre de l'après-Première Guerre mondiale, la manière dont cet épisode a modifié le statut des femmes dans la société. C'est avec une passion aussi humble et discrète que visiblement dévorante que l'intéressé est revenu sur son récit et "sa" figure d'héroïne, après avoir reçu son prix, le chèque de 5 000 euros promis aux lauréats (dotation inédite) ainsi qu'une parure S.T. Dupont, désormais partenaire prestigieux du Prix.
Dans la catégorie Biographie/Document, Violaine Binet a été récompensée pour sa biographie Diane Arbus (Grasset), consacrée à la fameuse photographe new-yorkaise, dont elle a vanté la bravoure et la vision (Diane Arbus saisissait tout ce que les photographes se refusait à envisager, créant à proprement parler la photographie documentaire - son "panorama" de l'Amérique des années soixante au travers, notamment, de marginaux, en est une oeuvre-clé) avec des mots ardents portés par une voix ténue.
Enfin, originalité de cette 5e édition du Prix, une distinction était réservée à une oeuvre étrangère. A ce chapitre, c'est la délicieuse Florentine installée à Rome Caterina Bonvicini qui a été distinguée, pour son roman L'Equilibre des requins (Gallimard), qui aborde, sans frilosité et avec un panache que traduit bien son écriture vivace, le thème de la dépression, dépeignant une héroïne que le public découvre au lendemain d'une tentative de suicide, écartelée entre les figures masculines de sa vie (mari, amants, père), l'absence de sa mère et le retour à la surface de secrets de famille. Un prix que l'attachante auteure de 35 ans a accueilli avec une volubilité rayonnante - en français, s'il vous plaît.
Ces lauriers décernés sur un tempo enlevé, la soirée s'est achevée bien plus tard, à l'issue d'un cocktail dinatoire et de quelques pas de danse endiablés au son du set proposé par Ariel Wizman. Si Marie Drucker a eu tôt fait de quitter la fête, à laquelle se sont notamment mêlés Yann Queffélec ou Bernard-Henri Lévy, venu en voisin, PPDA n'a en revanche pas boudé son plaisir, ne négligeant personne et s'attardant avec un plaisir non feint.
Une soirée littéraire où la féminité a une nouvelle fois été mise à l'honneur sous toutes ses facettes, et dont vous pouvez découvrir, en y suivant Purepeople, les meilleurs moments en vidéo ci-dessus.
Guillaume Joffroy