Son silence était assourdissant, dérangeant. Comment Lady Gaga, porte-parole autoproclamée des victimes de viol et d'agressions sexuelles (elle s'est elle-même exprimée sur son propre traumatisme vécu à l'âge de 19 ans), personnalité réputée pour dénoncer frontalement les abus à l'ère du mouvement #MeToo, pouvait-elle rester aussi silencieuse au sujet des accusations de viol, d'agression sexuelle et de pédophilie portées contre R. Kelly ?
La chanteuse de 32 ans connaît très bien le chanteur de 52 ans pour l'avoir côtoyé quelque temps. En 2013, ils avaient ainsi collaboré sur le titre Do What U Want, ode étrange d'une jeune femme suppliant un homme de faire "ce qu'il veut" de son corps. Lady Gaga et R. Kelly avaient à l'époque interprété cette chanson légèrement déconcertante sur plusieurs plateaux, comme dans l'émission Saturday Night Live ou à la cérémonie des American Music Awards.
Alors qu'un nouveau documentaire en six épisodes intitulé Surviving R. Kelly a été diffusé début janvier sur la chaîne Lifetime, donnant pour la première fois la parole aux nombreuses victimes de R. Kelly (des jeunes femmes dont certaines étaient âgées entre 14 et 17 ans au moment de leur rencontre avec le chanteur), les fans de Lady Gaga ont été nombreux à l'interpeller sur les réseaux sociaux pour lui demander de réagir. Tous s'accordaient à dire que la Mother Monster ne pouvait pas faire l'impasse sur ce terrible document en raison de son implication publique contre les abus sexuels. Depuis de longues années, ses admirateurs ne comprenaient pas non plus pourquoi elle avait accepté de collaborer avec R. Kelly alors que celui-ci avait été inculpé en 2002 pour avoir filmé des actes sexuels entre lui et une jeune fille de 14 ans. Le chanteur, qui a aussi un long passif de violences conjugales (sa femme avait demandé le divorce en 2006 pour ces raisons), avait finalement été acquitté de ces faits en 2008 après un long procès médiatique lors duquel la victime et sa famille avaient refusé de témoigner à son encontre, acceptant à la place un accord financier.
Le silence de Lady Gaga après la diffusion du documentaire Surviving R. Kelly était d'autant plus frustrant que la chanteuse avait en 2013 (soit l'année de leur collaboration) défendu son ami. "R. Kelly et moi avons parfois des choses complètement fausses qui sont écrites à notre sujet. D'une certaine façon, cela a créé un lien entre nous", avait-elle lâché lors d'une conférence de presse au Japon selon le Daily Mail.
J'ai créé cette chanson à un moment sombre de ma vie
Jeudi 10 janvier 2019, soit quatre jours après son apparition remarquée aux Golden Globes (où elle a raflé une statuette pour son titre Shallow, meilleure chanson extraite de son film A star is born), Lady Gaga a finalement brisé le silence. A-t-elle eu vraiment le choix face au risque d'un tollé qui aurait pu entacher son image ? Une chose est sûre, si elle a au départ bel et bien refusé d'intervenir dans le documentaire (comme d'autres artistes ayant collaboré avec R. Kelly), elle émet aujourd'hui des regrets sur son jugement. Condamnant fermement son ancien ami, elle se dit solidaire des victimes.
"Je soutiens toutes les personnes qui ont été victimes d'agression sexuelle", a-t-elle légendé au-dessus d'une note plus détaillée. Lady Gaga y évoque le titre Do What U Want. "J'ai créé la chanson et la vidéo à un moment sombre de ma vie. Mon intention était de créer quelque chose d'extrêmement provocateur parce que j'étais en colère et que je n'avais toujours pas traité le traumatisme survenu dans ma propre vie. Si je pouvais revenir en arrière et parler avec ma jeune personne, je lui dirais de suivre la thérapie que je suis depuis lors, afin que je puisse comprendre l'état confus post-traumatique dans lequel je me trouvais. Ou si la thérapie n'était pas accessible pour moi ou pour toute personne dans ma situation, demander de l'aide et parler aussi ouvertement et honnêtement que possible de ce que nous avons vécu. Je ne peux pas revenir en arrière, mais je peux continuer à soutenir les femmes, les hommes et les personnes de toutes identités sexuelles et de toutes races, victimes d'agressions sexuelles. J'ai l'intention de supprimer cette chanson de iTunes et des autres plateformes de diffusion en continu et je ne travaillerai plus avec lui. Je suis désolée, à la fois pour mon mauvais jugement lorsque j'étais jeune et pour ne pas avoir parlé plus tôt. Je vous aime", a-t-elle écrit.
Des mots qui, à n'en point douter, réconforteront toutes les victimes supposées. Pour rappel, John Legend, Chance the Rapper, Tank, Ne-Yo, Jada Pinkett Smith, Wendy Williams, Keke Palmer et Sparkle ont tous réagi pour dénoncer R. Kelly, réclamant justice pour ses victimes. Le chanteur aurait toujours sous sa coupe plusieurs jeunes femmes qu'il considère comme ses esclaves sexuelles.