Roberto Alagna serait-il ébranlé par l'annonce, par celle qui était depuis 1996 son épouse volcanique, de leur divorce "imminent" ? Quelques jours après que la soprano roumaine Angela Gheorghiu, qui fut sa partenaire à la ville comme à la scène, a communiqué sur leur divorce décidé "d'un commun accord et en toute amitié", le ténor français aux bouillantes origines siciliennes, hasard ou coïncidence, a connu une fausse note dans son parcours mondialement acclamé...
A en croire le compte rendu d'un journaliste de l'Associated Press et de celui du New York Times présents pour observer au Lincoln Center for the Performing Arts de New York sa performance dans le rôle-titre d'Andrea Chenier (1896), exigeant opéra d'Umberto Giordano composé autour de la figure du fameux poète romantique français André Chénier, mort guillotiné, Roberto Alagna n'a pas été à la hauteur de l'héroïsme de son sujet, que des monstres sacrés comme Franco Corelli ou Mario del Monaco ont porté avec éclat et que Luciano Pavarotti ou Placido Domingo ont maîtrisé avant lui dans la Grosse Pomme. "C'est triste à dire, mais c'était une tentative approximative, ce qui laisse penser soit qu'il n'a pas suffisamment étudié le rôle, soit qu'il se trouve possiblement hors de sa zone de confort vocal", écrit ainsi le critique.
La représentation de dimanche soir a débuté sur un premier couac, lorsque le ténor, en délicatesse avec la tonalité et le rythme, a brusquement fait signe au maestro Alberto Veronesi de stopper l'orchestre au bout de quelques mesures du premier aria. Après une brève discussion entre le chef d'orchestre et l'interprète, le morceau reprenait, du début, avec plus de succès mais toujours quelques incertitudes rythmiques. Puis, au cours de l'acte II, Roberto Alagna manquait une entrée, "omettant une phrase entière, cruciale", souligne l'Associated Press. Et si le journaliste reconnaît que certains passages ont clairement laissé entendre le "son chaud et musclé" de Roberto Alagna, il a encore relevé ses notes aiguës souvent "laborieuses", y compris une fêlure finale, et a reproché un phrasé manquant de "sens lyrique". Cherchant des explications à décharge, le critique, outre l'hypothèse émotionnelle de son divorce en instance, a remarqué que le ténor avait bu de l'eau et s'était mouché à de multiples reprises. Déçu par le héros du soir, il distribuait en revanche les satisfecit à ses partenaires de jeu, notamment le baryton George Petean, la soprano Kristin Lewis ou encore la mezzo-soprano octogénaire Rosalind Elias.
Le chroniqueur du New York Times, Zacchary Woolfe, n'était pas plus convaincu par ces débuts d'Alagna en Andrea Chenier, un rôle pourtant taillé pour mettre en valeur ses "plus grandes qualités, à savoir son son vibrant et son exubérance". "Pour moi, écrit le journaliste, il a toujours été jusqu'à maintenant très engagé dramatiquement, quel que soit l'état de sa voix, du coup, sa performance de dimanche, confuse, étrange, a été bien plus préoccupante que ses occasionnelles limites vocales. Mais il est difficile de donner vie à un personnage et de s'élever vers les cimes de la passion avec le nez dans le guidon." Zacchary Woolfe a également relevé plusieurs loupés au quatrième acte, le ténor et l'orchestre étant "intégralement sur des chemins différents" lors de l'aria Come un bel di dimaggio, avant qu'Alagna égratigne ou manque des notes lors du duo final avec le personnage de Maddalena. Au final, s'il retient des moments "ardents" propres à convaincre que ce rôle peut lui aller, le critique estime que ce n'était pas digne de Roberto Alagna. Qui, on l'espère, inversera vite la tendance.