Pour un peu, elle en aurait presque boudé. "Une seconde ou deux d'incompréhension peut-être, je n'étais pas contente de ne pas avoir été tenue au courant", concède la princesse Stéphanie de Monaco en tentant de "mettre des mots sur ce [qu'elle a] ressenti" le 19 janvier 2016 sous le chapiteau Fontvieille. Apothéose inattendue du Golden Gala du 40e Festival international du cirque de Monte-Carlo, soirée marathon de cinq heures truffée de numéros inédits et uniques concoctés par d'anciens lauréats du rendez-vous, son frère le prince Albert II lui a demandé de le rejoindre sur la piste aux étoiles. Là, devant ses enfants Louis et Pauline Ducruet, devant leur soeur la princesse Caroline et leur neveu Pierre Casiraghi, sans qu'elle y soit préparée, il lui a tendu en reconnaissance de tant d'années d'engagement passionné un Clown d'or, ce "graal" des arts circassiens qu'elle a elle-même tant de fois décerné...
Alors, certes, sa première réaction, elle qui orchestre le Festival dans les moindres détails depuis 2005 et qui en assume la présidence depuis la mort du prince Rainier III, a montré une légère crispation. Après tout, les chiens ne font pas des chats : son propre papa, dont elle est si fière de perpétuer la passion pour le cirque, n'avait pas trop apprécié d'être mis devant le fait accompli, quand elle lui avait "infligé" le même traitement. Dans un très bel entretien avec Isabelle Rivère pour Point de Vue (du 27 janvier 2016), Stéphanie de Monaco se remémore "ce soir de 2003" : "J'avais tout préparé, mes enfants lui avaient remis la statuette, Louis était dans son petit smoking, Pauline en costume d'acrobate, Camille en clown. J'étais si heureuse pour lui... Et je me souviens que sa réaction avait été un peu la même que la mienne. Il était très ému, éprouvait une immense reconnaissance. Mais je me suis tout de même fait passer un savon !"
Le premier choc passé - "une surprise totale, oui ; je ne me doutais de rien", confirme-t-elle à Point de Vue -, la princesse Stéphanie a ressenti "ensuite de l'émotion pure" : "C'est une manière de me dire : 'Voilà, tu fais partie de la famille du cirque' et pour moi c'est un honneur."
Sur le Rocher, elle en est même devenue, d'une certaine manière, une matriarche, bien plus qu'une simple marraine. Un statut qu'elle a acquis par son travail de présidente et la sincérité de son engagement, "sur le chemin qu'il [Rainier, NDLR] avait tracé". "Cela n'a pas été si facile, souligne-t-elle à ce titre. Lorsque j'ai repris la manifestation en main, je sais qu'ils étaient un certain nombre, y compris dans le milieu du cirque, à m'attendre au tournant... Tout ce qui m'importait, c'était d'honorer la mémoire de mon père, qu'il soit fier de moi. Aujourd'hui encore, il me tient la main, il continue aussi de me mettre des coups de pied au derrière de temps en temps."
Il faut dire que la benjamine de la fratrie a été élevée en véritable enfant de la balle par le regretté Rainier III, mécène des arts et amoureux de ceux de la piste aux étoiles, auxquels il dédia ce rendez-vous créé à son initiative, en 1974 : "Dès qu'un chapiteau s'installait dans la région, hop, nous montions dans la voiture et nous partions les voir", rappelle la princesse. Aujourd'hui âgée de 50 ans (elle en aura 51 le 1er février), elle est d'ailleurs toujours aussi fan des éléphants, au point d'avoir recueilli Baby et Népal au domaine de Fonbonne, au pied du Roc Agel. Là-bas aussi - et pas seulement sous le chapiteau de Fontvieille -, elle doit sentir la présence de son paternel, l'ami des animaux...
Comble du bonheur, la filiation de ce virus du cirque ne s'arrête pas à la génération de la princesse Stéphanie, et celle-ci peut se réjouir de voir ses enfants avoir la fibre. En particulier Pauline Ducruet, qui, la plus mordue, se prépare à présider la 5e édition de New Generation, la déclinaison junior du Festival international du cirque de Monte-Carlo, qu'elle a initiée. "Je ne sais pas comment vous l'expliquer, je me demande s'il n'y a pas quelque chose de génétique dans tout ça, s'étonne Stéphanie. Mes trois enfants sont différents, j'ai partagé ma passion avec eux de la même manière, ils aiment tous le cirque, mais chez Pauline ce sont les 'tripes' qui parlent."
"Fraternité", "solidarité", "respect", "générosité" : la princesse Stéphanie de Monaco se reconnaît dans les valeurs qui cimentent la famille du cirque, elle qui dit tout faire "par amour", pas pour la reconnaissance. Femme de son temps, femme de coeur et femme de combats (notamment contre le sida), son indomptable sincérité a plaidé pour elle au fil des ans, "même si, à bien des moments, [elle n'a] pas été comprise... Le fait d'avoir été fidèle au cap que je m'étais fixé, de ne jamais avoir renoncé, de ne pas avoir changé, j'en ai la récompense aujourd'hui. Quand on m'aime, c'est pour ce que je suis et rien d'autre."