Le Comedy Club, le cinéma, le Grand Journal... A 37 ans, Thomas Ngijol a exploré différents univers. C'est sur la scène du Théâtre du Châtelet qu'on le retrouve, pour le spectacle sobrement intitulé 2. Sobre, c'est un mot qui sied bien à ce comique loin de toute extravagance. Il se confie dans les pages des Inrockuptibles, ouvrant notamment son coeur, mais en toute pudeur, sur sa relation avec sa compagne Karole Rocher qui a mis en scène son show, mais aussi sur son enfance et son parcours.
Thomas Ngijol pense que la scène est le prolongement de la vie et c'est ainsi qu'il partage les planches avec sa bien-aimée, l'actrice Karole Rocher. Celle-ci met en scène son spectacle : "Avec Karole, il y a une philosophie commune du métier. Cela m'a soulagé d'être avec elle. Elle m'a beaucoup aidé quant à mes démons intérieurs, mes inquiétudes. Elle m'a appris à vivre et à faire les choses quand je le sens. Le danger dans ce métier, c'est d'y penser tout le temps... Tu ne déconnectes jamais, et quand tu n'as que ça, c'est terrible." Il ne tarit pas d'éloges sur sa partenaire : "C'est tellement agréable de travailler avec quelqu'un que tu aimes et qui, surtout, a du talent. Je connaissais son travail avant [Le Bal des actrices, Polisse, Braquo... elle est aussi styliste et photographe, NDLR], je savais qu'elle était plutôt atypique, avec un vrai regard sur les choses. Son regard m'a beaucoup apporté."
On essaie de faire la part des choses
Ce n'est pas pour autant que le couple, parent d'une fille née en juin 2014, ramène "le boulot à la maison" : "On essaie de faire la part des choses. On ne passe pas notre temps à prendre des notes..." Pas un mot sur sa petit fille, l'homme est discret et ne veut pas médiatiser son enfant. La célébrité et le succès, il en prend garde et parle ainsi de la difficulté qu'il a connue quand son film Case départ avec Fabrice Eboué a cartonné au box office avec 1,8 million d'entrées : "Le plus dur au cinéma, c'est le succès. Après celui de Case départ, je pense que j'étais en dépression. Ça m'a rendu très seul, je voyais la méchanceté, l'envie, la jalousie, des trucs auxquels je n'étais pas préparé. J'aime bien être tranquille, je suis un mec simple." Qui veut faire rire, comme ceux qui le faisaient rire plus jeune : Pierre Richard, Eddie Murphy - "un Noir, c'était quand même une révolution" - et les Inconnus : "Ils ont niqué le business de la parodie. Didier Bourdon est un génie, comme Will Ferrell : tu le vois, tu souris..."
Avant d'être celui qu'il est aujourd'hui, Thomas Ngijol est né dans une famille de quatre enfants, de parents originaires du Cameroun. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne faisait pas rire toute sa famille : "Quand les membres de ma famille ont appris que je faisais du stand-up, ils ont halluciné et m'ont dit : 'Va faire la manche directement.' Gamin, j'étais le plus jeune des quatre garçons et ma mission, c'était surtout d'exister."
Son père insiste sur l'importance des études, mais Thomas Ngijol sera un élève moyen. Sans problème - il aura le bac - mais qui ne se pousse pas. Son enfance demeure tranquille, malgré le fait d'habiter dans une cité dure de Maisons-Alfort, mais loin d'être la pire en banlieue parisienne : "J'ai eu de la chance, mes parents veillaient sur moi. J'étais protégé, on avait de quoi manger à la maison... Etant le dernier, j'ai beaucoup appris des erreurs de mes grands frères." Et il a vu son père partir au Rwanda pendant la période du génocide, embauché par l'ONU : "Parfois, il m'est arrivé de me dire que mon père était mort. C'est dur de regarder les infos sur le Rwanda en espérant ne pas voir une photo de son père."
Le contexte social aura une influence sur la carrière de Thomas Ngijol : "Le premier Comedy Club [avec Jamel Debbouze et Kader Aoun] représentait quelque chose de nouveau, qui est arrivé au bon moment, après une mauvaise période pour la France, après les émeutes de 2005... Il a fallu des drames, une urgence sociale pour les mecs se disent qu'il y avait du talent."
Viendront les attentats de Charlie Hebdo puis ceux de novembre dernier. Il refuse d'avoir un rôle de tribun, souhaitant seulement faire rire et discuter. La polémique autour du "Je suis Charlie", il y répond : "Mais je m'en fous, je suis pas pour ou contre Charlie, je suis juste triste pour les gens qui sont décédés et leur famille." Quant à aborder le sujet sur scène : "J'ai su que j'allais en parler quand j'ai joué, le soir même. C'était dramatique, j'ai annulé quinze fois dans la journée. Et Jean Bouquin, le propriétaire du Dejazet, a fait un travail formidable en me disant qu'il fallait que je joue... Je n'ai pas fait de vannes, ils n'étaient pas cyniques... C'est le public qui m'a poussé à faire mon boulot."
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine Les Inrockuptibles du 27 janvier 2016.
Le spectacle 2 de Thomas Ngijol, mis en scène par Karole Rocher, est en tournée en France et du 16 au 19 février au théâtre du Châtelet à Paris.