Quels seront les tubes de l'été 2011? Les chaînes de télévision ont déjà pris les paris, et chacune mise sur "son" artiste pour faire danser le plus de monde possible ! Du côté de TF1, les Marins d'Iroise, une trentaine de marins bretons âgés de 60 à 75 ans, perpétuent le succès de l'album Bretonne de Nolwenn Leroy. A contrario, l'été sera exotique sur France 3, qui mise sur le chanteur Jerho (révélé en 2006 par son tube Everywhere) et sur son nouvel album Canta Paradise pour nous transporter immédiatement sous les tropiques. Chez France 2, c'est Elisa Tovati qui décroche la timbale avec son single Le syndrome de Peter Pan. Seule M6 n'a pas encore levé le voile sur son tube de l'été. Etonnant, quand on sait l'enjeu que représentent les tubes de l'été pour les chaînes de télévision. En cas de succès, leurs interprètes peuvent devenir de véritables poules aux oeufs d'or ! Mais la télévision n'est pas la seule usine de fabrication de ces tubes de l'été. Refrain entêtant, chorégraphie bientôt culte, mélodie festive... Leur recette n'est plus un secret depuis longtemps. Certains artistes l'ont bien compris, et se hissent en haut des classements sans l'aide de sponsors.
La recette du tube de l'été : beaucoup de publicité et quelques litres de soda
En 1988, les chaînes de télévision obtiennent l'autorisation de diffuser des publicités dédiées à des disques. Une véritable révolution commerciale, qui permet aux tubes de l'été de voir le jour. Les chaînes peuvent désormais diffuser de courts extraits musicaux d'environ trente secondes à longueur de journée, réalisant un véritable "matraquage" musical... sans même perturber leur grille de programmes ! C'est aussi l'époque de l'apparition du CD 2 Titres, qui a engendré une vraie fièvre acheteuse... TF1 s'engouffre dans la brèche et enclenche le phénomène "tubes de l'été" en 1989 avec la célèbre Lambada du groupe Kaoma. Chorégraphie langoureuse, inoubliable refrain joué à l'accordéon, plages de sable fin... Le décor est planté ! Canicule oblige, une boisson fraîche s'invite à la fête : Orangina s'associe à TF1 pour soutenir la Lambada. La vidéo qui l'accompagne est à mi-chemin entre la publicité et le clip vidéo : les bouteilles d'Orangina remplacent les maracas. La marque organise même des soirées Lambada dans plusieurs discothèques. Dix ans plus tard, Oasis reprend à son compte cette stratégie, et sponsorise le groupe Fenua tout en utilisant son titre E Vahiné Maohi e dans une de ses publicités. En 2003, c'est au tour de Coca-Cola de s'approprier le grand succès de l'été avec le célèbre Chichuahua de DJ Bobo.
Quand chaque chaîne concocte son tube
Dans les années 90, la machine à tubes est lancée... Et elle ne s'arrête plus ! TF1 récidive en 1995 en sponsorisant le groupe Sacred Spirit et son titre Yeha Noha, puis Kadja Nin, sacrée artiste de l'été 1996 par la chaîne au terme d'une campagne de publicité de 10,5 millions de francs. Son single Sambolera s'écoule à plus de 420 000 exemplaires, mais elle ne parvient pas à faire face à un adversaire de taille : la mythique Macarena, que l'on doit à M6 ! La chaîne sort l'artillerie lourde et fait appel à la chorégraphe Mia Frye, chargée d'inventer une danse que petits et grands, danseurs aguerris et amateurs dénués de tout sens du rythme pourront reproduire. Le succès est énorme : il se serait vendu pas loin de 11 millions d'exemplaires de la chanson dans le monde fin 1997. L'été 1996 est définitivement celui de tous les tubes : France 2 n'est pas en reste et dépasse aussi TF1 avec le célèbre Tic Tic Tac de Carrapicho, vendu à plus d'un million d'exemplaires au cours de l'année.
En 1998, la victoire des Bleus en Coupe du Monde de Football fait de I Will Survive, devenu leur hymne, le succès incontesté de l'été. Cela n'empêche pas deux tubes mémorables de s'imposer dans le top 10 des ventes : M6 triomphe avec Pata Pata, de la chanteuse sénégalaise Coumba Gawlo, tandis que la chaîne Une Musique, filiale du groupe TF1, révèle le groupe Nomads et leur célèbre Yakalelo.
Quid de France 3 ? Après des débuts plus timides, la chaîne rejoint la tendance en 1999 avec le télé-tube Amor amor de Nino. Guitares sèches, tango langoureux... Malgré cette débauche de romantisme, le succès se fait discret.
Saupoudrez le tout d'une pincée de télé-réalité
En 1999, l'avenir des tubes de l'été aurait pu être menacé. Le CSA, alerté par la déferlante de mini-clips qui se répand sur les écrans chaque été (les hauts fonctionnaires n'aimeraient donc pas danser la Macarena?), interdit la diffusion d'extraits musicaux longs de moins d'une minute trente. Difficile désormais de glisser un extrait du tube de l'été entre chaque émission...
Heureusement, arrivent le début des années 2000 et l'âge d'or de la télé-réalité, rapidement incorporée à la recette du succès de l'été. En 2001, à peine sortis du loft, les ex-candidats du premier Loft Story de M6 sortent leur premier single, Up and down, qui se classe en tête des ventes estivales pendant sept semaines consécutives. Un an plus tard, TF1 prend sa revanche en diffusant à longueur de journées le clip de Au Soleil, deuxième single de Jenifer, sortie vainqueur de la Star Academy quelques mois plus tôt. Avec son refrain éloquent et son clip tourné sous le soleil marseillais, la chanson est taillée pour être le tube de l'été idéal... Et s'impose rapidement au palmarès des ventes de l'été.
Une recette loin d'être inimitable
Les chaînes de télévision ne sont pas les seules à détenir les secrets de fabrication des tubes de l'été : vous souvenez-vous de René la Taupe et de son très irritant Mignon Mignon? La "chanson" a sérieusement concurrencé le Waka Waka (this time for africa) de Shakira (pourtant hymne officiel de la Coupe du Monde de Football) comme succès de l'été 2010. Une prouesse dont peut se vanter la compagnie de téléphonie mobile Fox Mobile Group Studios, créatrice du personnage.
Les artistes en chair et en os, eux aussi, ont bien compris quels ingrédients réunir pour fabriquer un tube de l'été... Sans le concours des chaînes de télé ! Chorégraphie culte, refrain entêtant, mélodie festive... Dès 1990, Zouk Machine se classe en tête des ventes de juin et de juillet avec son tube Maldòn. Et comment oublier le culte María de Ricky Martin et la tempête de déhanchés qu'il fait souffler sur l'été 1997 ? En 1999, Eiffel 65 frappe un grand coup avec Blue (Da Ba Dee) et ses paroles rendues incompréhensibles à coups d'Auto-Tune... Quand elles veulent dire quelque chose ! Le refrain, chanté en "yaourt", intrigue, et chacun y va de sa propre interprétation. Un succès qui laisse présager celui du groupe O-Zone et du tube Dragosta Din Teï. Qui peut vraiment se vanter d'avoir compris le refrain en roumain, chantonné pendant tout l'été 2004 ? Et dans la catégorie "chorégraphie culte", Las Ketchup deviennent les championnes incontestées du genre avec Asereje en 2002.
Increvables, les tubes de l'été ? Formatables, donc adaptables, ils ont traversé leurs vingt ans d'existence sans prendre une ride, ou presque. Jennifer Lopez ne vient-elle pas de dépoussiérer la Lambada en la reprenant pour son single On the floor, sorti en février 2011 ? Pour ne pas vieillir, le tube de l'été a trouvé la parade : il est ringard dès sa sortie. Allez, il est l'heure de retourner se trémousser avec nostalgie sur la Macarena.