L'avidité de certains médias ne s'arrête apparemment pas aux barbelés et au portail de la mort du camp d'Auschwitz. La princesse Victoria peut en témoigner, elle qui a dû faire preuve de beaucoup de sang-froid face à un reporter dénué de scrupules...
L'héritière du trône de Suède représentait son père le roi Carl XVI Gustaf en Pologne le 27 janvier 2015, se joignant au grand rassemblement de chefs d'État et dirigeants de 49 nations, présents pour commémorer les 70 ans de la libération du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, où périrent près d'un million de Juifs. Tandis que ses parents honoraient la Journée internationale du souvenir de l'Holocauste en assistant à une cérémonie à la grande synagogue de Stockholm, et que son époux le prince Daniel présidait à cette même occasion une cérémonie de remise de prix dédiés à la mémoire de cette sombre page de l'histoire, Victoria de Suède affrontait le spectacle glaçant des miradors, des rails et des cheminées du plus sinistre camp de la mort de la Seconde Guerre mondiale. En compagnie notamment de la reine Maxima des Pays-Bas, du prince héritier Frederik de Danemark, du prince héritier Haakon de Norvège, ou encore du roi Philippe et de la reine Mathilde de Belgique, qui se sont recueillis, tous très visiblement bouleversés, et ont à tour de rôle déposé une bougie devant le monument aux morts, elle a notamment écouté les témoignages de quelques-uns des 300 rescapés de cet enfer. Mais elle a aussi entendu une question qui n'aurait pas dû lui être posée...
Un journaliste de la chaîne suédoise SVT présent sur place, Rolf Fredriksson, a osé faire une allusion explicite au passé nazi de son grand-père maternel, Walther Sommerlath, un sujet qui a déjà largement fait les choux gras de la presse scandinave et obligé la reine Silvia à s'exprimer sur le parcours de son père, décédé en 1990. "La princesse héritière a-t-elle pensé à l'histoire de sa famille ?, a demandé le reporter, avant de préciser : Il y a eu des parents, à cette époque, qui ont eu des accointances avec les Nazis, et il y a eu Folke Bernadotte, qui, avec l'opération des 'Bus blancs', a aidé à sauver des gens des camps de concentration." Ce à quoi la princesse Victoria a calmement répondu : "Le nazisme est quelque chose d'effroyable. C'est absolument l'une des pires périodes qu'ait connues l'humanité. C'est une longue histoire et nous avons une grande somme d'informations dont il est possible de tirer profit, si on le souhaite."
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L'audace du journaliste de SVT, chaîne qui a eu le privilège de partager un peu de l'intimité de la famille royale en 2014 dans le cadre de son traditionnel reportage d'une heure diffusé le 6 janvier 2015, a suscité un véritable tollé, d'autant que la princesse Victoria se trouvait entourée de deux survivants des chambres à gaz lorsque la question déplacée lui a été posée. "C'est un manque de respect", a fustigé la porte-parole de la cour suédoise, Margareta Thorgren, jugeant le timing "très mauvais" et l'intention "douteuse". La princesse Victoria, heureusement, a bien vite retrouvé le sourire une fois rentrée au pays, grâce notamment à son irrésistible fillette, la princesse Estelle, attraction dans le public des championnats de patinage artistique à Stockholm le 28 janvier.
En 2002, le journal Arbetaren avait révélé, d'après ses investigations dans les archives de l'Etat allemand, que Walther Sommerlath avait rallié la branche étrangère du parti nazi (NSDAP/AO) en 1934, alors qu'il vivait au Brésil et y travaillait pour une entreprise de sidérurgie germanique. En 1939, rentré en Allemagne, il avait été placé à la tête d'une usine saisie, précédemment dirigée par un patron juif, qui allait contribuer à l'effort de guerre (production d'éléments pour chars Panzer, de masques à gaz...) jusqu'à sa destruction, bombardée par les alliés en 1943. En 2010, la diffusion par TV4 d'un documentaire consacré à Walther Sommerlath et son passé supposément nazi avait poussé la reine Silvia à se plaindre auprès des dirigeants de la chaîne, puis à mandater une commission spéciale pour faire la lumière sur ce chapitre de l'histoire familiale. Selon le rapport d'Erik Norberg, expert de la Seconde Guerre mondiale critiqué pour ses liens avec la famille royale, le père de la reine aurait aidé le dirigeant juif de l'usine en question, en prenant sa place, à fuir l'Allemagne. En décembre 2011, interviewée par le Service public, la reine Silvia dénonçait une campagne assassine des médias contre son père.