Pas facile de présenter au grand public des artistes quand on semble les découvrir soi-même le moment venu. Pas facile non plus de garder son sang-froid quand le prompteur n'est plus là, ou quand certaines stars ont de toute évidence décidé de s'amuser à vos dépens. Vendredi 13 février 2015, c'est une soirée particulièrement contrastée qu'a vécue Virginie Guilhaume au Zénith de Paris, où elle animait la 30e cérémonie des Victoires de la Musique...
Dès sa première apparition devant les caméras, la figure de charme de France Télévisions, qui se pliait à l'exercice pour la seconde année consécutive, a prêté le flanc - ou plutôt le buste, en l'occurrence - aux railleries des observateurs : au glamour de la robe Zuhair Murad qu'elle arborait en 2014 pour la 29e édition de la grand-messe musicale (alors repassée avec elle au-dessus de la barre des 3 millions de téléspectateurs), Virginie Guilhaume avait cette fois préféré un smoking bleu nuit au décolleté très, très plongeant. Un choix smart plutôt seyant, qui aurait pu s'avérer parfaitement payant si la jolie animatrice de 37 ans n'avait pas choisi de le plomber à la sauce bling-bling, en se parant d'un monceau d'or. Des bijoux mastoc qui ont bien vite inspiré aux internautes une comparaison avec LE roi télévisuel de la chaîne en or, Mister T., alias Barracuda dans L'Agence tous risques.
Et voilà comment, en un instant, l'image des fossettes "tuméfiées" du chanteur Raphael, qui arborait d'étranges marques possiblement inspirées de son single Somnambule quelques instants auparavant, invité de Voulzy et Souchon pour une Rockollection anniversaire, était instantanément dissipée.
Ce n'est d'ailleurs pas la seule mésaventure de la soirée que Virginie Guilhaume peut imputer à son décolleté tape-à-l'oeil : en fin d'émission, un Rachid Taha visiblement dans un état second et une Catherine Ringer bien délurée s'en sont aussi occupés, comme vous pouvez l'observer (avec amusement ou gêne, c'est comme vous voulez) dans notre player, dans la séquence que nous avons isolée...
Le rockeur raï algérien et la chanteuse de Rita Mitsouko avaient été exceptionnellement réunis pour interpréter en direct Ya Rayah, prestation qui a bien réchauffé le public après déjà plus de trois heures de cérémonie, en épilogue d'une compilation vidéo revisitant à l'occasion de l'anniversaire des Victoires 30 ans de musique du monde, à l'instar des magnétos diffusés précédemment pour les 30 ans de musique électronique, de rock ou encore de musique urbaine. A chaque fois, une Victoire d'honneur était attribuée ; et, après David Guetta (qui avait la permission de sortie de ses enfants), Jean-Louis Aubert (qui a semble-t-il fait beaucoup d'effet à Virginie Guilhaume), ou encore IAM (mené par un Akhenaton doublement distingué), c'était au tour de Rachid Taha de se voir décerner le dernier de ces quatre prix spéciaux. Il était alors 00h20, et le champagne avait dû couler à flots en coulisses...
Après avoir lutté pour les faire gentiment passer en mode interview ("dépêchez-vous quand même, les amis"), pour les faire s'orienter vers le public et les caméras ("ça se passe là, regardez, hop là"), et pour tenter de donner du sens aux premiers mots de la star maghrébine (qui se décrit comme la "version B" de Catherine Ringer), Virginie Guilhaume se rend à l'évidence, quand la truculente Ringer souligne qu'elle fait 1m68 après avoir été qualifiée de "grande chanteuse" : "OK, j'ai compris, ils ne sont pas du tout dans la musique", déduit la sympathique animatrice, en riant certes, mais sur des charbons ardents. Elle vient de réaliser que les deux énergumènes ne la laisseront pas mener son interview... Et de fait, elle va continuer à être leur victime, endurant leur malice avec autant de tolérance que possible, sans se départir de son sourire et d'une connivence tacite avec le public, amusé de la voir ainsi malmenée. "Tu as de beaux bijoux", l'interrompt Rachid Taha, la prenant par surprise. "Elle est pas mal !", renchérit Catherine Ringer, qui l'effleure puis passe la main à l'intérieur de son décolleté... Malgré sa nervosité, qu'elle extériorise en plaisantant d'un "ça brille, ça brille" joué avec l'accent maghrébin, l'animatrice parvient à rester irréprochable... et même, au bout du compte, à remettre la Victoire d'honneur dévolue à l'Algérien.
L'épilogue est aussi cocasse : Catherine Ringer entonne fièrement le Chant du départ (le fameux hymne révolutionnaire), puis Rachid Taha, au moment des remerciements, laisse tomber (comme une m****) sa Victoire, sans s'en apercevoir ; et de lâcher le mot de Cambronne, lorsque la maîtresse de cérémonie le lui fait remarquer. Une séquence culte à garder pour le bêtisier des 40 ans des Victoires, en 2025 !
Si on ne peut que louer, en observant un tel sketch, le sang-froid dont a fait preuve Virginie Guilhaume, la jeune femme, en dépit de son énergie, de son côté vraiment télégénique et de ses bonnes intentions réelles, n'a toutefois pas toujours été à son avantage au cours de la soirée, loin s'en faut.
Ces lapsus qui ne disent pas leur nom...
Un an après avoir été la risée du web et des observateurs pour avoir maltraité - entre autres - le titre de l'album de Kavinsky, qui, d'Outrun, est devenu dans sa bouche "Outroune", elle s'est malheureusement trouvée en état de multirécidive : malgré le "s" écrit en gros sur son prompteur, elle a par exemple scalpé la finale de Christine and the Queens - tout comme elle l'a fait pour François and the Atlas Mountains, plus tard - dès le début de la soirée avant de "traiter" la jeune femme de "nanteuse" (une chanteuse nantaise, quoi !) en relatant la genèse de son morceau Saint Claude. Que la talentueuse Héloïse Letissier, alias Christine, se rassure, elle n'est pas la seule à avoir subi de la maltraitance patronymique : Olivier Nusse, patron du label Mercury, devient Olivier "Gusse" lorsqu'il monte sur scène avec Stromae. Lequel, comme l'an dernier, est toujours "Stroma-é" pour Viriginie Guilhaume, alors que, beaucoup le savent désormais (et en particulier ceux qui ont suivi ses fameuses leçons), son pseudo se prononce "Stromaille" ([stʁɔmaj]). Doublement primé, avec IAM et en solo, Akhenaton ne "tonne" plus puisqu'il se met quant à lui à rimer avec "thon", avant que la maîtresse de cérémonie se corrige d'elle-même. Dommage : au préalable, elle avait énuméré les noms des membres d'IAM sans encombre... Même les absents ont pu avoir tort, comme Ibrahim Maalouf, virtuose récompensé en 2014 dans la catégorie Musique du monde, lui aussi égratigné. Vianney n'a pas eu ce genre de problème, mais a bien failli croire qu'il avait gagné lorsque son interlocutrice l'a renvoyée en coulisses en disant "révélation" (et en oubliant "nominé dans la catégorie")... Au moins, elle ne lui a pas promis un César ni n'a transformé l'évocation d'un concert en "cancer", parmi les autre lapsus de la soirée à mettre à son passif. Cela étant, s'il avait fallu le réconforter, elle aurait sans doute su s'y prendre, comme elle l'a montré avec une Indila submergée par l'émotion et les larmes en évoquant sa maman.
Un amour de prompteur
Solide - comme l'an passé - face aux aléas du direct (lancements intempestifs en début d'émission, soucis de son - notamment au moment de la performance de Clément Daquin, alias ALB) et dans la gestion du fil rouge (par exemple quand il lui a fallu couper court aux effusions trop longues d'Indila ou de Benjamin Clementine), Virginie Guilhaume ne s'est pas seulement rendue coupable d'approximations dans les noms : sa dépendance au prompteur a gravement nui à sa prestation, à deux titres. En premier lieu, parce que la lecture cursive de fiches de présentation d'artistes rédigées de manière ridiculement ampoulée est vite devenue caricaturale ; en second lieu, parce que, par contraste, les moments sans filet, lors des entretiens avec les stars, semblaient bien faiblards... Demander à David Guetta ou Laurent Voulzy comment ils vivent les bons résultats commerciaux de leurs disques, se liquéfier telle une groupie devant Jean-Louis Aubert ("quel bonheur !", lâchera-t-elle pour meubler), ou abuser du mot génie (utilisé aussi bien pour Julien Doré que pour Christine and the Queens, également qualifiée de "self-made-man" - elle s'auto-décrit certes comme une half-lady, mais quand même !) pour pallier la pénurie de superlatifs, n'est sans doute pas ce qu'elle a fait de mieux - même si tout n'était évidemment pas à jeter.
Elle en a d'ailleurs pris pour son grade sur Twitter (eh oui, il ne fallait pas dire quelque chose d'aussi à l'ouest que "les Twitter existent", c'était du pain béni pour les Twittos !), parallèlement au désintérêt dont continue à souffrir la cérémonie des Victoires : malgré un sursaut d'audience en 2014, l'édition 2015 a réalisé sa pire audience historique, suivie seulement par un peu plus de 2,3 millions de téléspectateurs, pour 14% de part de marché. Dur, dur pour un programme qui occupait toute la soirée (de 20h55 à 0h55 - on le sait trop bien, on est restés jusqu'au bout). Dur, dur, aussi, pour un show - orchestré par Morgane Production - au final vraiment qualitatif, qui aurait sans doute mérité un peu plus de considération compte tenu des moyens déployés (24 décors, bien servis par les lumières de Fred Dorieux et le mapping très intéressant du scénographe Olivier Illouz), de la prestation impeccable de l'orchestre des Victoires dirigé par Paul Rouger, des numéros sur mesure concoctés par les artistes présents en direct, et du voyage à travers les souvenirs musicaux offert...
Qui aime bien, châtie bien ? En tout cas, si la charmante Virginie Guilhaume a souffert d'un désamour vendredi, on lui souhaite affectueusement d'avoir compensé le samedi, jour de Saint-Valentin !
G.J.