Agnès Jaoui a une actualité chargée en raison de la sortie du film Ma vie, ma gueule de la regrettée Sophie Fillières ce mercredi 18 septembre ainsi que celle de son livre La Taille de nos seins aux éditions Grasset. L'artiste aux nombreuses casquettes multiplie les interviews à tel point qu'elle en dévoile beaucoup. Ainsi, sur le plateau de 28 minutes sur Arte, elle est interrogée sur son futur projet, qui vise à dénoncer les excès du mouvement #Metoo. La scénariste césarisée n'a pas caché sa surprise face à Elisabeth Quin, pensant que personne ne savait de quoi allait parler son prochain film et oubliant qu'elle en avait elle-même parlé dans Le Parisien Week-end, ce qui l'amène ensuite à détailler son propos pour le public d'Arte.
"Dès qu'on entend agression sexuelle, il n'y a plus de réflexion, il n'y a que de l'émotion, donc on ne sait pas si c'est une main sur un genou ou un viol caractérisé", estime l'ancienne compagne et éternelle amie de Jean-Pierre Bacri. Des propos qui passent difficilement à voir les réactions de nombreux internautes sur X sous la publication de l'extrait de son intervention dans 28 minutes.
La plupart des réactions souligne le contraste entre l'admiration portée à Agnès Jaoui et les mots de cette dernière. "Agnès Jaoui, quelle déception", dira une internaute, quand un autre ajoutera "Déception de classe mondiale". "Madame Jaoui, je ne vais m'étendre sur la déception que vous me causez, vous ne me deviez rien. Surtout pas d'être à la hauteur de mon admiration. Cela étant, on a déjà du mal à faire arrêter un violeur, dans quel univers punit-on une main ?", écrit une membre de X.
La réaction d'Agnès Jaoui devant ce qu'elle considère comme des dérives du mouvement #MeToo, à savoir l'autre vague #Balancetonporc qui a visé nommément des hommes, est probablement lié à son propre vécu. Elle a été victime des abus de son oncle, un homme qui l'a violé lorsqu'elle avait 11 ans et dont elle a parlé avec nuance dans Le Parisien Week-end : "Je me suis suffisamment tue pour pouvoir en parler, maintenant, et montrer à d'autres victimes que, oui, souvent on met longtemps à s'exprimer sur de tels sujets. Montrer aussi que, parfois, c'est tellement douloureux à entendre pour les proches, qu'ils préfèrent le déni. Pour cela, je les excuse."
Ce qui l'inquiète précisément, c'est qu'Agnès Jaoui remarque un fossé qui se creuse entre sa génération et celle des plus jeunes sur ce sujet : "Je trouve terrifiant qu'on ait aujourd'hui peur de chaque mot prononcé, de chaque geste esquissé. Qu'on place au même niveau une main sur le genou et un viol." Dans ELLE, Agnès Jaoui se félicitait que sa fille aînée de 21 ans - elle a adopté deux enfants originaires du Brésil - n'était pas du genre à se laisser faire : "Les filles d'aujourd'hui sont davantage armées."
Les violences sexuelles sont un sujet délicat à traiter médiatiquement, d'autant plus lorsque l'actualité fait face à un fait social sans précédent en France avec l'affaire Mazan et le supplice subi par Gisèle Pelicot - sujet sur lequel Agnès Jaoui réagit par ailleurs, choquée par la défense des hommes accusés. Les résonances de sa parole, elle qui est féministe assumée et figure forte et libre du cinéma depuis des décennies, sont donc forcément particulières. D'ailleurs, la journaliste Elisabeth Quin termine son échange avec la réalisatrice du Goût des autres avec cette phrase malicieuse après leur échange sur #Metoo : "Vous allez vous faire des amies, mais vous vous en fichez, vous êtes libres."