Si Camille Kouchner accuse son beau-père Olivier Duhamel d'inceste, la juriste et auteure de 45 ans n'épargne pas non plus son propre père. Dans La Familia grande, à paraître aux éditions du Seuil le 7 janvier 2021, la fille de l'ex-ministre Bernard Kouchner et de l'universitaire Evelyne Pisier révèle avec éclat les abus sexuels dont son jumeau aurait été victime à l'âge de 13 ans, à la fin des années 1980.
Les visites nocturnes d'Olivier Duhamel dans la chambre de son beau-fils, les vacances libertaires dans le Sud, le soutien de leur frère aîné Julien mais le déni de leur mère, la complicité silencieuse de nombreux proches au sein de l'élite bourgeoise de gauche... Camille Kouchner écrit également sur son père, partagée entre la rancoeur et l'admiration. Médecin puis secrétaire d'État et ministre, Bernard Kouchner était un père absent, décrit comme un "héros déserteur" par sa fille, selon les extraits de son ouvrage publiés par le Parisien.
Quand il revient de mission, le cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde n'était pas du genre à rentrer à la maison les bras ouverts : "Bernard hurlait. Il nous terrorisait, nous reprochait le malheur du monde", se souvient Camille Kouchner. Un père qui reste froid lorsque les grands-parents de ses trois enfants se suicident à la fin des années 2000. "Il récupère ses enfants et les met au lit avec un somnifère, pour ne pas être trop importuné", rapportent nos confrères.
La journaliste Christine Ockrent, compagne de Bernard Kouchner dès le début des années 1980, en prend elle aussi pour son grade. Désignée comme "la star de la télé", l'ancienne animatrice du JT est présentée comme une belle-mère peu aimante, du genre à lancer à table à son compagnon : "Tes enfants font trop de bruit, dis-leur de rire moins fort". "Les jumeaux détestent venir chez ce couple médiatique qui reçoit tous les soirs la gauche caviar ou "cacahuètes" et ne leur demande que de rester invisibles", écrit Camille Kouchner.
En 2011, Bernard Kouchner apprend finalement les agressions sexuelles dont son fils, appelé "Victor" dans le livre, aurait été victime. "Il trouvait ça insupportable, voulait casser la gueule de mon beau-père, Camille Kouchner a-t-elle expliqué à L'Obs. Mon frère aîné [Julien, NDLR] et moi lui avons alors dit qu'il fallait, malgré la colère, respecter le tempo et la volonté de mon frère jumeau. Nous n'en avons presque jamais reparlé, sauf très récemment, lorsque je lui ai dit que j'écrivais sur le sujet." Dès la médiatisation des premiers extraits de l'ouvrage, Bernard Kouchner, 81 ans, a apporté son soutien à sa fille : "Un lourd secret qui pesait sur nous depuis trop longtemps a été heureusement levé", a-t-il commenté dans un communiqué transmis par son avocate Maryline Lugosi. "J'admire le courage de ma fille Camille."
Une démarche également soutenue sur Twitter par Alexandre Kouchner, 34 ans, le benjamin de l'ex-ministre et Christine Ockrent : "J'aime mes frères et ma soeur. Je salue leur courage et soutiens leur choix de briser le silence. Il faut toujours écouter, entendre et protéger celles et ceux qui ont souffert et souffrent. Pour tout le reste, je vous renvoie au livre. Que tous les bourreaux tremblent."