En mars dernier, Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni recevaient en grande pompe à l'Elysée le couple présidentiel russe, Dmitri Medvedev et sa femme Svetlana. Alors que les médias du monde entier prêtaient attention à cette rencontre au sommet, la féminité à la française s'y illustrait de façon éclatante : d'abord avec la... gamelle d'une élégante Mylène Farmer sur le perron élyséen, ensuite avec l'apparition de Carla Bruni, qui a ébloui tous les observateurs dans sa robe de soirée longuissime... "Tous" ? Non.
Une (bonne) poignée d'irréductibles Brittons ne voyaient pas d'un bon oeil cette toilette, et ont rapidement "pointé" le problème avec véhémence : l'ancien mannequin devenu première dame ne portait pas de soutien-gorge, et cela se remarquait. Stupeur et indignation outre-Manche, où la presse à scandales faisait à l'époque ses choux gras de commérages sur de prétendues relations extra-conjugales au sein du couple présidentiel (que Carla Bruni avait pris soin de balayer dans une interview accordée à ctte période à Sky News).
L'incident est clos, mais a laissé sa marque. Dans les dernières pages de son édition courante, le supplément Next du quotidien Libération fait intervenir une spécialiste de la question, l'Américaine Marilyn Yalom, ancienne directrice de l'Institut de recherches sur les femmes et le genre à l'Université de Stanford, créditée d'investigations sur le statut de l'épouse en Occident, et qui publiait cette année l'ouvrage Le sein, une histoire aux éditions Galaade.
Comme celui de Carla a fait toute une histoire, l'experte américaine est bien placée pour donner son avis sur la question. Sa conclusion - qui est en fait son préambule - : "Carla Bruni-Sarkozy serait une première dame impossible aux Etats-Unis." Et la spécialiste d'enchaîner : "Sa vie sexuelle et son indépendance ne passeraient pas du tout. Les Américains ne lui feraient pas oublier son ex-vie de mannequin et d'artiste aux multiples conquêtes. Ils ne pardonneraient pas non plus le passé de son mari. Carla Bruni est la troisième épouse du chef d'Etat français. Le seul président divorcé que l'Amérique ait élu est Ronald Reagan, et Nancy était sa seconde épouse. En France, l'histoire est jalonnée de courtisanes et de maîtresses (...) Un président français peut avoir des aventures extra-conjugales sans être inquiété."
"Les tétons de Carla sont inimaginables aux Etats-Unis."
Next recentre alors le propos sur "l'affaire des tétons". Rappelant l'épisode du sein de Janet Jackson à la mi-temps du Super Bowl en 2004, et les règles auxquelles sont astreintes revues de mode comme chaînes de télévision, Marilyn Yalom complète : "La règle est claire : les Américaines ne peuvent pas dénuder leurs poitrines "au niveau ou en dessous de l'aréole". Jusqu'aux années 1990, les femmes ne pouvaient pas allaiter un enfant dans un lieu public (...) C'est le puritanisme de l'Amérique (...) A l'inverse, les Français n'ont aucun scrupule à exposer les seins de Marianne. C'est conforme à un érotisme culturel profondément ancré depuis la Renaissance (...) Les Américains ne sont pas à l'aise avec le corporel. Dans une totale hypocrisie, ils renvoient le corps nu à la pornographie. Les tétons de Carla, même sous une robe, sont donc inimaginables aux Etats-Unis." Un nouveau "rêve américain" ?
Par opposition, Marilyn Yalom constatent que les Français sont "dans le visuel" : "Même si elle est intelligente, Carla Bruni compte beaucoup sur son charme, son visage, son corps (...) On peut se demander si les Français accepteraient Angela Merkel ou Madeleine Allbright comme présidente. Voyez Ségolène Royal ; elle est mince et très jolie. En ce sens, Carla Bruni est très Française."
Plus loin, une édifiante réflexion autour du thème "Carla, trophy woman" d'un Nicolas Sarkozy arrivé au sommet, vite renversé en "Nicolas, trophy man de Carla". Question en suspens, qui interroge l'avenir du couple une fois le mandat présidentiel révolu...
Des considérations érudites et passionnantes, notamment sur la "politisation du sein", à retrouver en intégralité dans le numéro 30 de Next.
G.J.