"La seule chose qui compte véritablement, c'est la beauté. Mon premier voeu serait d'être belle. Je sais que je suis jolie, mignonne, mais je ne suis pas belle. Et j'ai tellement peur de vieillir. Je me sens vulnérable, fragile. J'étais une enfant souffreteuse. Jusqu'à 7 ans, maman a dû me nourrir au biberon. Les enfants se moquaient de moi dans les squares..." Lorsqu'elle prononce ces mots devant un journaliste de l'Express et en présence de sa soeur Françoise, Catherine Deneuve a... 22 ans ! Nous sommes en 1966 sur le tournage des Demoiselles de Rochefort et déjà la question de sa beauté s'invite dans la discussion lorsque les journalistes interrogent la comédienne. Être belle, elle ? Non. Elle en repousse déjà l'idée. Comme elle le fera toute sa vie.
"Je ne considère pas que je sois belle. Jolie peut-être, mais non pas belle. La beauté, ce n'est pas moi, c'est autre chose.." proclamait-elle en 1977 dans Paris-Match. En 1994, l'actrice, récemment agacée par la question d'un confrère sur l'IVG, reprenait la même idée devant nos consoeurs du magazine ELLE : "La beauté est un grand mot. Je dirais qu'à 16 ans j'avais un physique qui m'a permis de débuter ma carrière. Est-ce un atout ? Sans doute. Dans la séduction sûrement ! J'ai beau dire, je suis sûre que cela a été important. Le charme, la séduction, c'est le contact le plus immédiat, le plus évident... même pour les gens moins beaux. C'est à travers une certaine sorte de séduction que l'on essaie d'exister dans le regard des autres. Mais ce n'est pas suffisant... Il n'y a rien auquel on s'habitue plus vite que la beauté."
Celle de la comédienne, bien qu'elle s'en défende, n'a jamais lassé les réalisateurs... Il n'est qu'à parcourir sa filmographie pour le comprendre : Belles d'un soir, en 1967, Belle de jour en 1967, Belle-maman en 1999, Belle à croquer, en 2017. Des titres choisis par hasard ? Comment l'imaginer...
Une beauté froide, à l'évidence. Due à sa blondeur, à la blancheur de sa peau mais aussi à la distance que semblait instaurer avec ses interlocuteurs, tout du moins dans ses premières années, cette timide maladive. Comme un masque pour se protéger. Et puis il y a son style, chic, sophistiqué, parisien, elle qui a vu le jour dans le 17E arrondissement de la capitale.
Née dans un milieu d'artiste, Catherine Dorléac embrasse vite la même carrière que ses parents et que sa soeur aînée Françoise. Elle commence par effectuer des doublages de voix d'enfants pour la Paramount, puis fait ses premiers pas devant la caméra à 13 ans. Elle ne s'arrêtera plus. Sa présence, déjà frappe les esprits. En 1960, la journaliste de France Soir, France Roche écrit après sa prestation dans le film L'homme à femmes : "La révélation du film, c'est une petite personne exquise qui s'appelle Catherine Deneuve. Discrète, sans être empaillée, proprette sans être banale, ingénue sans être niaise, et jolie, si jolie, sans avoir l'air de le savoir. Elle devrait être, d'ici trois mois, la proie favorite des metteurs en scène..." Notre consoeur ne s'y était pas trompée.
Jacques Demy non plus, qui dès 1961 sait que Deneuve sera sa Geneviève des Parapluies de Cherbourg. Entre-temps, le réalisateur Roger Vadim, de quinze ans son aîné, est tombé sous le charme de la jeune femme. Elle attend un enfant de lui, ce sera Christian, aujourd'hui marié à Nadège, une comédienne. Demy attendra... Pas le succès. En 1964, la comédie musicale entièrement chantée qu'il a réalisée est présentée au festival de Cannes : elle décroche la palme d'or !
Entre son union avec un poids lourd du cinéma français et l'exposition que lui vaut la récompense de ses pairs, la comédienne, qui a récemment été frappée par un AVC, est déjà incontournable. Pourtant dans toutes ses interviews, elle continue de jouer les modestes, de minimiser son succès et sa beauté.
"Si je me trouve belle ? Non, sûrement pas, répond-elle en 1971 à un journaliste. Je me vois 365 jours par an, il est impossible que je me trouve belle ; jolie, oui, et encore pas tous les jours. Enfin, disons que je suis jolie. C'est ma soeur qui était belle, Françoise. C'était une star. Elle avait deux ans de plus que moi, elle me disait toujours qu'il n'y a que les stars qui sont vraiment belles."
Star, en ce début des années 70, Deneuve l'est déjà depuis longtemps. Mais, comme si elle était incapable d'assumer ce statut, elle le conteste encore. Et préfère se retrancher derrière Françoise Dorléac, sa soeur, disparue tragiquement dans un accident de voiture en 1967, un drame devenu tabou depuis. En 1973, Deneuve est choisie par Chanel pour devenir la nouvelle égérie de son légendaire parfum N°5. Encore une marque de reconnaissance de la splendeur et de l'éclat qu'elle dégage....
Entretenir ce capital dont l'a dotée la nature, préserver cette beauté, privilège qu'elle a qualifié d'"injuste" et d'"abominable" tant il "rend les autres possessifs", n'a toutefois pas été sans mal. L'actrice a souvent évoqué le combat contre les affres du temps, qu'elle a dû livrer, comme toutes les actrices. En 1993, à 50 ans tout juste, elle notait d'ailleurs : "C'est embêtant de devoir faire attention à son physique quand on a été très gâtée, comme moi, par la nature. C'était agréable de ne pas avoir à y penser. J'avais l'habitude de me préparer très vite. Aujourd'hui, c'est un peu plus long et... ça m'embête !"
Trente ans ont passé, aujourd'hui, à 80 ans, celle qui déteste qu'on la surnomme la grande dame du cinéma français et qui regrette d'avoir troqué son vrai nom pour celui de sa mère va monter une fois encore dans sa carrière les marches du Festival de Cannes. Elle sera sur la Croisette aux côtés de sa fille, Chiara Mastroianni à qui elle déclarait en 2023 tout son amour, pour le film Marcello Mio. Et quoi qu'elle en pense ou dise, Deneuve, belle de jour, restera belle, toujours... La preuve, en images !